hirisinn-copie-1Spectacle de la compagnie "Le P’tit Cirk", vu au Théâtre Sylvia Montfort, à Paris, le 9 janvier 2014.


De et avec : Danielle Le Pierrès, Christophe Lelarge, Pablo Escobar, Damien Droin

Musiciens: Philippe Ollivier, Yannick « Jeanno » Jory.


VIVANT-3-COEURS-5Genre : Cirque

 Public: à partir de 8 ans

Durée : 1h10

 

Comment l’envie vient aux enfants ? Par extension, pourquoi un enfant devient-il circassien comme papa et maman ? C’est donc tout naturellement que cette question de transmission va être réglée sur scène et plus ou moins en famille.

 A l’origine, le spectacle "Hirisinn" de la compagnie le P’tit Cirk devait être interprété par au moins un "fils de" (Louison Lelarge). Blessé en répétition, il est remplacé par un jeune comparse. Qu’importe ! La pertinence du propos - porté par un couple de quinquas, deux jeunes et deux musiciens - trouve dans l’art du cirque et ses exigences une splendide métaphore.


Le spectacle s’ouvre sur un tour de piste. En tête papa et maman suivis de leurs deux rejetons. Oui mais voilà, le temps a passé et les petits - devenus grands - passent devant.

Madame (Danielle Le Pierrès) semble se résoudre à l’injure du temps. Apaisée et épanouie, elle continue à prendre soin de sa tribu, distribue le talc, surveille les jeux, ramasse les pots cassés. Il lui arrive encore de titiller le trapèze mais comme on le ferait d’une balançoire, qui la transporterait dans un glorieux passé. Ses enfants lui donnent et lui redonnent l’élan. Elle leur en sait gré d’un regard bienveillant.

Il n’en va pas de même pour le père (Christophe Lelarge). Le ci-devant Zampano n’a de cesse de mettre ses enfants à l’épreuve de l’équilibre. Tel un dompteur, il propose à ses jeunes lions de traverser en acrobaties une judicieuse structure d’anneaux conçue par Guillaume Roudot. Perdu ! Qu’à cela ne tienne. Qui sera le plus fort à attraper par la bouche, en position d’aguets, le plat du trapèze qui oscille comme un pendule ? Pour ne pas perdre la face, il triche. Pas de chance, nos deux musiciens (Philippe Ollivier et Yannick « Jeanno » Jory), perchés sur les plates-formes non moins astucieuses de Guillaume Roudot, accompagnent et arbitrent le jeu. Couacs assurés quand Zampano est découvert.

De toute façon, les deux jeunes gens (Pablo Escobar et Damien Droin) le lui rendent bien. Dès qu’il a le dos tourné - aussi bien que la mère, du reste - ils n’en font qu’à leur tête, se mesurant tantôt l’un à l’autre, expérimentant tour à tour par eux-mêmes les possibilités acrobatiques offertes par leur environnement. Car tout est prétexte à jeux, aussi bien le plancher souple et rebondissant du plateau, que la structure métallique du chapiteau, jusqu’à la bassine à talc.

Mais à l’instar du cirque traditionnel et de sa succession de numéros, le jeu en solo trouve vite sa limite. Ce n’est que dans la solidarité de la troupe que le talent s’épanouit. C’est ainsi que la petite famille se reconstitue pour un numéro aérien d’autant plus époustouflant que la petite taille du chapiteau permet au spectateur d’appréhender ce qu’il faut de confiance absolue en l’autre, de don de soi, de rigueur et de plaisir pour réussir une telle prouesse. Après une ascension aussi burlesque que laborieuse, le père relègue la figure de Zampano aux oubliettes. Il en quitte le manteau, l’accroche à un cintre insolite pour mieux révéler que maturité rime avec expérience. L’ancien des Arts sauts donne alors toute sa mesure.

Les enfants sont donc devenus circassiens. Chacun a retrouvé sa place. Devant, forts de leur maturité, les parents ; derrière, les jeunes, dotés d’une souplesse et d’une puissance félines. Ils forment un tout complémentaire, une troupe. Ensemble, ils descendent le trapèze comme s’ils démontaient symboliquement le chapiteau et s’en vont, les jeunes devant, avec l’agrès, suivant le fil de leur propre chemin.

 

C’est un spectacle superbe : drôle, tendu, musical, frissonnant. De cet engagement authentique ressort une belle leçon de vie, d’humanité et de cirque.

 

Catherine Wolff

(photo: Alexandre Kozel)

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