soon-ka_kan-ji_2.jpgDéfilé-spectacle en autoproduction de la compagnie Soon Ka, vu le 19 Mai 2012 à 21h à l'Auberge du Cèdre (Lauret - 34). Cette compagnie a été créée en 2006 par la styliste Sûan Czepczynski à l'occasion de la présentation de ses créations de vêtements.

 

Tous publics à partir de 7 ans

Durée : 55 minutes

 

Direction artistique, costumes, stylisme : Sûan Czepczynski

Mise en scène : Luca Franceschi (Compagnia dell'Improvviso)

Danseuses : Marion Blondeau, Vanessa Lextreyt, Karina Pantaléo, Gypsy David, Alissa Shiraishi

Musiciens : Marion Diaques (violon) et Fred Wheeler (instruments orientaux)

Technicien : Olivier Privat

Plasticienne scénographe : Sabrina Ambre-Biller

Diffusion : Marion Tostain

 

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Ce soir-là, à Lauret, nous sommes une bonne centaine sous les grands arbres du parc de l'auberge, assis de chaque côté d'une scène bi-frontale d'environ 13 x 3m, légèrement surélevée et surplombée par des projecteurs. Elle est prolongée, à une extrémité, par les coulisses masquées d'un rideau et, à l'autre, elle supporte une haute estrade pour les deux musiciens... comme une seconde scène sur la scène. Au milieu, un élargissement du plateau forme un carré de 4 x 4m qui permet le déploiement des figures de ballet. La scénographie de Sabrina Ambre-Biller autorise ainsi une certaine complexité dans les perceptions. L'installation de tels praticables sur le sol irrégulier d'un jardin exige certainement une bonne expérience technique. Le spectacle a également été joué en intérieur (Maison des Choeurs, Montpellier).

 

Nous sommes accueillis dans une ambiance de musique traditionnelle japonaise. Le spectacle commence avec un court récitatif en voix off et en Japonais, dont la traduction nous a été remise à l'entrée avec le résumé de l'intrigue : un amour violemment contrarié à l'époque des samouraï (1ere partie) qui se dénoue brutalement dans le Japon moderne (2eme partie). 

 

Ce spectacle mêle constamment et avec une beaucoup d'originalité : jeu théâtral, danse, stylisme et musique.

La mise en scène de Luca Franceschi met fortement en valeur le déroulement narratif et les contrastes émotionnels forts chez les personnages : plaisir, violence, deuil, souffrance, gaieté ou insouciance. Les danseuses-actrices (qui tiennent les rôles féminins ET masculins) ont un jeu expressif qui emporte l'imagination. J'y ai vu des notes d'humour, et souvent le regard des danseuses croise celui des spectateurs comme pour partager avec eux leur plaisir. Les maquillages réalisent des masques mobiles fascinants : face blanchie, yeux étirés de noir, sourcils effilés, moue rouge et pincée de la bouche.  Les coiffures, remarquables échafaudages, résistent à toutes les danses. Les scènes se succèdent, se croisent ou s'entremêlent en fonction des péripéties et des émotions, avec des ballets d'une grande variété : tantôt assez hiératiques ou glissés, tantôt de superbes et vifs chassés-croisés, un magnifique combat-danse au bâton réglé au millimètre, des ondulations, des mouvements gracieux des bras ou du cou, une marche « robotisée » hallucinante, des danses "actuelles" rythmées.  La disposition du plateau favorise des chorégraphies d'une précision et d'une concentration qui semble répondre à notre imaginaire sur le Japon. Il fait nuit noire, et pendant toute la représentation les éclairages vont accentuer la narration et faire chatoyer les costumes, accentuant les reliefs, estompant ou valorisant les personnages. Magique.

 

Durant la première moitié du spectacle, les corps sont drapés dans de longs kimonos de couleurs vives et chatoyantes. Leur tournoiement provoque de magnifiques fondus, et les gestes dévoilent des drapés, des découpes, des ondulations de tissus. Les samouraïs sont vêtus de sombre. La jeune héroïne passera du rouge du mariage au blanc du deuil. Elle assistera ensuite à la lutte entre tradition et modernité, et à l'avènement d'une agitation désordonnée. Au milieu du spectacle, les danseuses ôtent leurs grands manteaux-kimonos, et dévoilent les tenues contemporaines créées par Sûan Czepczynski, seyantes et mettant les corps en valeur dans une diversité de formes et de tissus. Avec dynamisme et humour, le défilé de mode proprement dit s'approprie complètement la scène avec des tangos, rocks, street dances syncopés et provocants, sous le regard mortellement détaché de l'héroïne. La création de mode semble à la fois prétexte et conclusion d'une interrogation sur deux mondes entre lesquels Sûan ferait le lien...

 

Les musiciens accompagnent tout le spectacle, et sont eux-même en spectacle. En première partie, ils provoquent un vrai dépaysement avec des créations originales et envoûtantes pour instruments traditionnels et violon, et qui sont partie intégrante du jeu dramatique. Les morceaux contemporains de la seconde partie indiquent clairement une rupture intervenue dans les traditions.

  

 L'association des multiples talents de cette compagnie autour de Sûan Czepczynski donne un résultat esthétique harmonieux. Kan'Ji nous captive dans un entrelac où de chatoyants motifs musicaux, narratifs, dansés et de stylisme se croisent et se mêlent avec virtuosité.  Un merveilleux spectacle dont c'était la dernière représentation. J'en suis sortie en souhaitant que Soon Ka puisse continuer dans cette voie malgré les difficultés que rencontrent les compagnies qui tentent le pari difficile de la multidisciplinarité.

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