L'orchestre d'hommes-orchestres joue à Tom Waits
30 janv. 2012Ce collectif québécois s’est produit sur le plateau de l’Hexagone de Meylan (38) le mardi 17 janvier 2012. Nous y étions.
Tout public
Durée : 2 heures avec entracte
Distribution :
Bruno Bouchard : voix, home-orchestre, guitare, valise, spaghetti, violon...
Jasmin Cloutier : voix, guitare, banjo, mégaphone, bottes...
Simon Drouin : voix, harmonica, scie musicale, ciseaux, gants de boxe...
Simon Elmaleh : voix, basse électrique, marteaux, landeau...
et leurs invitées "les New Cackle Sisters", Gabrielle Bouthillier et Danya Ortmann : voix, théières, mouchoirs...
Le décor est délibérément kitsch : une multitude d’objets hétéroclites et disparates, des fleurs en plastoque à l’ex-voto. Un véritable fatras-brocante d’univers, pour un voyage entre les saloons du middle-west et le bayou, à l’heure où les chanteurs deviennent prêcheurs et où l’alcool envahit les arrière-salles enfumées. Ces drôles-là font de la musique avec des tas de truc improbables, avec la tête de l’allumé-allumeur : lunettes de soudure et gants de boxe, planche à laver et bottes en caoutchouc, mégaphone, cuillères en bois et soufflet, poire à lavement. La matière musicale, ils la piochent dans le répertoire de Tom Waits, l’homme à la voix cassée, avec une recomposition permanente. Tout leur est prétexte à essayer, à se frotter, à déplacer, et c’est dans ces décalages, dans ces ratées provoquées ou advenues, qu’ils puisent leur rythme, leurs propositions et leurs rebonds. Faut pas s’attendre à ce que tout soit au carré. Oh que non ! Pourtant, y’a bien ces deux filles en tailleur tweed, aux boucles trop sages pour que ce ne soit pas du toc. Avec un aplomb et un sérieux indéboussolables, comme deux vieilles filles qui fréquenteraient la church elles goûtent, sous les pales d’un ventilo, à leur thé cuilleré de sucre sur soucoupes. Capables aussi d’une étonnante proposition sonore constituée de bruits de bouches à la tyrolienne, elles agitent leurs mouchoirs "dans le vent" comme d’autre coupe les spaghetti en quatre. Elles jouent de la bouteille, du goulot et des bouchons pour créer une respiration rythmée. Arrêt entracte avant une bascule en tendresse aigre douce chaloupée, où chacun(e) joue les trouble-fête : mixage de partenariat et d’interférences. Les ciseaux-aiguilles jouxtent le gramophone dans ce monde underground où volent pelotes de laines et avions en papier. On est dans l’Imaginarium à la Terry Guilliam et on resterait volontiers sous le parapluie qui tourne sous la neige.
Nous imaginerions volontiers ce type de rendez-vous dans un lieu moins conventionnel et institutionnel, dans un espace plus inhabituel et surprenant : la rue, une friche, une usine désafectée, l’enceinte d’un vieux manège endormi ou sur les tombes d’un cimetière, au crépuscule. La scène d’un théâtre c’est bien mais, pour nous, pas forcément en osmose avec ce type de concert à rattacher à l’univers des performeurs. Si une telle occasion se présentait, elle nous séduirait très certainement.
Hexagone : http://www.theatre-hexagone.eu/scene-nationale/index.php