Spectacle de et par Guy Alloucheri, vu le dimanche 22 juillet 2014, à Présence Pasteur, Avignon. 

Mise en scène : Guy Alloucherie
Avec : Guy Alloucherie.

 



VIVANT2-toiles-3Durée : 1h10

Public : à partir de 12 ans

+ tout public qui aurait eu à prononcer un jour : "à 12 ans, mon petit gars, moi, j'étais à la mine!"

+ Gueules noires et galibots

 

"La Brique" est un spectacle qui se parcourt comme un album photo, et c’est un Guy Alloucherie attendrissant, et amusant, qui en tourne les pages.


"La Brique" c’est un membre de la famille de l’auteur, c’est un habitant, c’est un coin d'une rue, un coron, un paysage ; c’est la photo en noir et blanc de la famille posant devant les maisons rouges, que le comédien ne manque pas de recolorer fièrement au feutre sous nos yeux, sur chacune des photos, comme pour redonner à ces murs leur titre de noblesse.

"La Brique" c’est aussi le bouleversement qu’ont connu les enfants de ceux qui ont dû arrêter la mine. Des centaines de familles entières, qui se refilaient le boulot de père en fils depuis des générations, et qui ont dû renaître, recréer un avenir, se mettre à exister autrement. "Est-ce que je vaux une brique ?" demande l’auteur, jouant avec les mots. "Est-ce que je fais partie du patrimoine ?" lance-t-il avec humour.
Certains sont devenus artistes – et c’est le cas du comédien –, purs produits d’un bassin minier désormais condamné. Beaucoup se rattachent encore à la brique. Les créations vidéo et sonores projetées par Jérémie Bernaert en témoignent tout au long du spectacle. (Encore eut-il fallu que suive à quelques malheureuses reprises la technique).



Guy Alloucherie  rend à chaque personnage, chaque paysage sa couleur d’origine, son histoire, son hommage. « Ici pour prendre un paysage, il faut toujours quelqu’un devant » nous confie-t-il à plusieurs reprises. Moments intimes, et moments universels qui touchent toute une région.
Petits moments de poésie, de nostalgie, de fierté. Alloucherie interroge la brique avec humour, retourne la brique dans tous les sens, se transforme en brique, rouge de fierté, dans son jogging redessiné.



Pour qui n'a pas vécu dans les corons, le spectacle peut surprendre, laisser à distance. D'autant que Guy Alloucherie, immense metteur en scène mais comédien pour le moins hésitant, nous prend volontairement à contre-pied. Le spectacle pratique la nonchalance, le chemin de traverse, l'amateurisme assumé, le pas net, le pas propre, l'imparfait... au risque de paraître relâché. Mais peu à peu, le charme opère, un curieux charme dû à la profonde modestie du procédé : parfois drôle (quand les anecdotes fleurissent), parfois bouleversant (l'évocation d'un père secret qui meurt dans une chambre d'hôpital ou de l'indéfectible tablier de la mère), parfois les deux à la fois, Alloucherie a la pudeur des vrais ch'tis, dissimulant sous ses bricolages au stylo feutre et ses petites danses miteuses la profonde mélancolie d'un monde qui s'éteint. A la fin, on fait mine de rien (voyez le jeu de mot tout à fait idoine), on raille un peu les nombreuses imperfections de la chose, mais on a tout au fond du cœur une amertume discrète posée là par un artiste très attachant.

Comme quoi, les ch’tis sans Dany Boon et Pierre Bachelet, c’est formidable !


 

Danielle Krupa / www.allez-zou.fr

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