La Mort de Don Juan
17 mars 2014 Spectacle de la Compagnie Théâtrale Francophone (34), vu le 19 Janvier 2014, 15h, au théâtre Pierre Tabard, Montpellier (34).
Texte et mise en scène : Damiane Goudet
Assistant : Arevik Martirossian
Interprète : Luc Antoni (Don Juan)
Genre : théâtre
Public : tous à partir de 15 ans
Durée : 1h10
Création 2009
Chez Molière, Don Juan est un jeune noble sicilien séducteur, cynique et blasphémateur, qui a fait sortir la jeune Elvire du couvent pour l'épouser et très vite la négliger. Constamment à la recherche de nouvelles proies dans une quête permanente de défis, il séduit les femmes pour aussitôt les délaisser et sème le malheur et la haine. A l'occasion d'une de ses perpétuelles provocations, il tue un commandeur dont la statue de pierre le provoque jusqu’aux enfers. Mourant, il laisse passer une dernière chance de se repentir avant d'être dévoré par les flammes. Ainsi se termine ce classique.
Prenant la suite de Molière au moment où Don Juan vient de mourir, Damiane Goudet lui accorde un peu de temps entre la mort et l'Au-delà pour s'adresser à toutes celles et tous ceux qu'il a détruits ou offensés. Seul face à Dieu, peut-il encore se repentir ? Alors que l'issue de l'intrigue est connue, j'ai ressenti tout au long de la pièce une tension analogue à du suspense, tant les émotions y sont contrastées. Cynique Don Juan est glaçant, arrogant il choque, malheureux il fait pitié, vaniteux il est comique (et la salle rit). Ne justifiant pas ses crimes, il proteste au contraire de sa sincérité, et se met ainsi à nu au moment d'entrer dans la légende. Dramatiquement seul au seuil de l'enfer, il lance ses derniers défis et assume sa vie passée.
Tout au long de ce monologue intense, je n'ai pas vu le temps passer. Ce beau texte, où chaque mot est pesé, est très bien servi par la mise en scène, et par une scénographie qui cible l'essentiel. La pièce progresse dans un « entre-deux » fait de dévoilements et de masques, de mensonges et de vérités, de théâtre et de réalité, de vie et de mort... et Damiane Goudet nous conduit au seuil du mythe. Quelques touches d'humour amènent par moments une distance amusante. Luc Antoni donne une arrogance aristocratique à son personnage, sur le ton de la revendication comme de la confidence. Haute silhouette vêtue d'un somptueux costume inspiré du théâtre Nô, il transmet le poids des mots autant par la diction que par le corps, avec de brusques volte-face, une gestuelle parfois comme suspendue ou vive et fendant l'air. Sur le maquillage blanc du visage, les yeux, les sourcils noirs et la bouche rouge sont vifs dans les expressions. Au fil de son monologue, progressivement, le comédien quitte son costume et se démaquille. En pantalon et chemise noirs à la fin de la pièce, il cache à nos regards l'éventail et le masque du commandeur : le jeu est terminé pour l'acteur qui a repris sa personnalité. Il s'efface, Don Juan entre dans la légende et "une légende ne peut pas mourir". A noter que la qualité des éclairages et des choix musicaux complète la réussite du spectacle.
"La Mort de Don juan" captive et offre matière à discussion sur le théâtre, les masques, les mythes et les passages d'un monde à l'autre. Bien que le texte de Damiane Goudet explicite l'intrigue, il me semble intéressant de prendre connaissance de la pièce de Molière pour apprécier pleinement ce très bon spectacle.
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