Les Chaises
19 août 2013
Spectacle de la compagnie La Révérence de l'Escabeau (34) d'après la pièce d'Eugène Ionesco (1952), vu au théâtre Gérard Philippe (Montpellier) le 18 Mai 2013 à 21h.
Mise en scène : Aurelia Gonazalez et Alexandre Cafarelli
Interprètes : Virginie Nieddu, Julien Meynier
Chorégraphie : Patricia De Anna
Création musicale : Aurelia Gonzalez, Arslan Elbar, Clément Danais, Pascal Musso
Décors : Julien Valluet, Julien Meynier
Genre : Théâtre
Public : Adultes et adolescents
Durée : 1h30 environ
C’est la première pièce de cette nouvelle et jeune compagnie, qui affronte ici un morceau difficile du répertoire tout en résussissant à donner un excellent spectacle.
Un couple très âgé va et vient à petits pas dans une salle de séjour aux fenêtres ouvertes sur la mer, et dont nous entendons le bruit régulier. Des silences, une conversation puérile ponctuée de trous de mémoire, des redites, des colères infantiles, des jeux et des disputes accompagnent leurs déplacements et semblent remplir une vie en suspens. On comprend vite que ce couple attend (ou joue à attendre) des invités, et qu'il se sent investi d'un message à transmettre. Lorsqu'enfin ceux-ci arrivent un à un, il se déroule un jeu inouï où les deux acteurs apportent de plus en plus de chaises pour accueillir des hôtes invisibles, se lançant dans des conversations enjouées, ou même intimes, et parfois cocasses. Assez émus et excités, ils évoquent des souvenirs peut-être... des regrets sans doute... mais aussi des rêves. La scène se remplit de chaises jusqu'à bloquer toute circulation, l'angoisse monte et tout s'affole. Le couple, convaincu d'avoir rempli sa mission pour "ne pas être oublié" et dépassé par son imagination, disparaît alors dans un dernier geste tragi-comique tel une envolée théâtrale. Cette folle effervescence qui fut édifiée sur rien s'achèvera dans l’ironie, avec le discours d’un orateur incapable de délivrer le fameux message car muet.
Les deux comédiens, pourtant jeunes et sans grimage, m'ont tout de suite fait pénétrer dans la vie fiévreuse et étriquée d'un couple qui s'efforce de combler le vide de son existence. J'ai apprécié l'équilibre de leur jeu d'acteur. Ils traduisent un malaise face au vide, au rien, tout en donnant chair à un couple englué dans ses rêves et sa solitude. Les personnages ne me sont ni apparus comme des marionnettes absurdes, ni comme des victimes d'un drame de la vieillesse. Du début à la fin, le couple évolue dans une véritable chorégraphie exprimant et contrôlant leur énergie vitale. J'ai trouvé cela très intéressant. De la musique, des bruitages, une chanson, le rythme d'une pendule et un décor au réalisme démodé presque kitsch (il faut oser !) accentuent l'impression d'isolement à deux.
J'ai été émue par ce spectacle à la fois drôle, pathétique, tendre et cruel ; pur théâtre de l'absurde qui n'exclut cependant pas la dimension humaine. La salle était comble et les comédiens ont été à juste titre très applaudis. Ce spectacle me semble propre à séduire tout public (cependant prêt à apprécier avec humour les situations très décalées) et pourrait constituer une bonne source de débats pour des lycéens. Une compagnie à encourager !