Les Fourberies de Scapin
07 juil. 2015Présent sur le Off 2015
Spectacle de la "Cie des 100 Têtes" (30), Avignon Off jusqu'au 27/07, vu à L’Art en Scène, le 9 Juillet 2014, 11h40.
Pièce de Molière (1671)
Adaptation pour 3 comédiens : Grégoire Aubert
Mise en Scène : Kader Roubahie
Interprètes : Lorène Hartmann (Hyacinthe, Zerbinette, Argante), Kader Roubahie (Scapin), Grégoire Aubert (Léandre, Géronte, Octave)
Structures : Gabriel Agular.
Genre : comédie
Durée : 1h15
Public : tous à partir de 6 ans
Jauge : jusqu’à 400
Création 2011
Créée en 2005, la Compagnie des 100 Têtes couvre un large répertoire de textes contemporains ou classiques.
La salle est comble, avec une soixantaine de spectateurs. Sur scène sont disposées 4 sculptures contemporaines en métal, élégantes silhouettes de mannequins stylisées (dont une féminine). Un grand paravent au fond. Un échiquier sur le côté.
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"Les Fourberies de Scapin" est l'une des dernières pièces de Molière et aborde plusieurs de ses thèmes favoris. En l’absence de leurs pères respectifs, Octave, fils d’Argante, a épousé Hyacinthe et Léandre, fils de Géronte, s’est pris de passion pour une jeune captive, Zerbinette. De retour chez eux les deux pères, qui ont d’autres projets pour leurs fils, veulent imposer leur choix. Les deux jeunes gens demandent l’aide du valet Scapin, astucieux et maître dans l’art de la duplicité. Et Scapin fait coup double : il aide les amoureux en extirpant aux deux pères avares et crédules la rançon demandée pour Zerbinette et il en profite pour se venger des mauvais traitements de Géronte ! Un coup de théâtre permet à chacun de retrouver la sérénité et la pièce se termine sur une dernière ruse de Scapin qui, démasqué, se tire d’affaire de manière grandiose.
Dans son adaptation, Grégoire Aubert a préservé le texte original. Seules quelques coupures le rendent plus accessible en supprimant des longueurs. De la dizaine de personnages de la pièce, il a retenu les sept principaux pour… trois comédiens ! Le spectacle, résolument comique, est brillant et la grande originalité de la mise en scène de Kader Roubahie est toujours au service de l'auteur et du texte. Les costumes, contemporains, sont révélateurs dans leur sobriété, telle la redingote noire de Scapin, signe de son importance. Les comédiens se changent au vu du public, exposant leur jeu en modifiant leur allure et leur voix : Hyacinthe se transforme en Argante (extraordinaire), Octave devient Géronte, etc. Selon les besoins des scènes, les uns ou les autres créent les personnages manquants en habillant les silhouettes d’un veston, d’un chapeau, d’un éventail... Ils leur donnent la réplique, les touchent en parlant, ou les animent en se plaçant à l’arrière. Du haut du paravent apparaissent une marionnette ou un comédien. Le jeu est passionnant. Sur le mode de la farce, le spectacle est rapide, parfois précipité, on y bondit, il y a des coups, des fuites, un enfant du public est saisi par Scapin… mais il y a aussi des moments de respiration. Scapin s’absorbe par moments devant son jeu d’échecs, en maître du jeu. D'un claquement de doigts, il peut figer des personnages et les remettre en route d'un tour de clef dans le dos, illustrant la prise de pouvoir du valet ! C'est ainsi qu'au fil de la pièce, quelques clins d’œil très drôles surgissent avec naturel. Des airs contemporains connus accentuent les effets comiques. J’attendais bien sûr les morceaux d’anthologie comme « Que diable allait-il faire dans cette galère? » : excellent ! Quant à la bastonnade administrée à Géronte enfermé dans un sac, elle fait rire la salle aux éclats : aucune pitié pour l'arrogance et la crédulité du personnage. Excellents comédiens, tous trois - enfin, tous les sept - sont convaincants.
Le public rit beaucoup et des enfants interpellent à haute voix ! J’ai pensé que certaines représentations de la troupe de Molière devaient prendre cette tournure… La Compagnie des 100 têtes donne là une belle démonstration de la virtuosité théâtrale de l'auteur, de la verve de ses textes et de son regard aiguisé. Ce spectacle est accessible à tous publics, connaisseurs des oeuvres classiques comme non initiés. Pour les élèves de collège et de lycée il y a là une occasion de découvrir que la littérature peut être source de plaisir. Enfin, riche en péripéties à fort potentiel comique, très visuel, avec des sonorités expressives et variées, ce spectacle convient aussi aux plus jeunes à qui il offre en même temps un bain dans la langue… de Molière.
Catherine Polge
Autre spectacle de la compagnie sur le blog : "Une clef pour Sacha"