Nom de code : PoPé
05 mai 2014Spectacle de la Cie "Carambole" (34), vu au Centre culturel de Frontignan (34), le 19 Avril 2014, 19h.
Mise en jeu : Ingrid Teygyey
Avec : Thierry Klein, Véronique Merveille et Patrick Vendrin.
Genre : rythme, poésie, chant, percussions corporelles, théâtre
Durée : 1h
Public : tous à partir de 6 ans
Jauge : jusqu'à 150 - extérieur possible
Création 2011
Les trois comédiens unissent leurs talents (chant, percussion, danse et poésie) au sein de la compagnie "Carambole" pour ce spectacle créé en résidence dans un collège.
"PoPé"? C’est "Poésie Percussion corporelle". Nous sommes une vingtaine de spectateurs, dont une majorité d’enfants, devant un décor intrigant: un tableau noir, une table et un banc d’écoliers renversé, des journaux froissés au sol et un ballon de foot. Les comédiens plongent immédiatement les spectateurs dans les joies des retrouvailles. Copains d'enfance, P. Vendrin et Th. Klein en costume-cravate et V. Merveille en robe rouge tournoyante, se retrouvent après 26 années. Mi-adultes et mi-enfants, ils racontent et jouent comme autrefois. Leurs mots viennent tout droit de chez Boris Vian, Raymond Queneau, Andrée Chedid, Jacques Prévert, et d’autres encore. Percussions corporelles, claquements de doigts, mouvements de danse et gestuelle rythmée s’entremêlent à de courts poèmes scandés en ritournelles ou chantés. Chorégraphié et orchestré avec précision, le spectacle est un tourbillon de fantaisie parfois loufoque qui offre aussi bien: un concours de désobéissance, un gargarisme sur un air d'opéra, un déchaînement d'onomatopées, une conjugaison décalée du verbe être, un jeu extravagant avec le papier-journal, etc. Les enfants rient beaucoup et, pour les adultes, ces retrouvailles de trois "gamins" sont aussi émouvantes que drôles.
Le spectacle se déroule de manière ludique mais structurée sur l'argumentaire des poèmes, évoquant les saisons de l’enfance dans la cour de récréation. Ici la poésie "prend corps" dans les rythmes, au moyen de la voix, des claquements et des percussions corporels, de la danse et des gestes. Avec une diction pleine de vie et de fantaisie, les comédiens nous emmènent loin de la "récitation" scolaire ou de la déclamation. Tout est matière à jeux, à blagues de gosses, à rêveries, avec des répétitions scandées et des diversions soudaines. Les phrases éclatent et s'incarnent dans de multiples sonorités. Ainsi lorsque P. Vendrin amorce le poème bien connu de V. Hugo "Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne", voilà que les vers rebondissent et s'éparpillent en rythme dans le bruit du vent et les claquements corporels lancés par V. Merveille et T. Klein. La poésie explose finalement de manière hilarante. Souvent le rythme initié par l'un ou l'autre s’affole, et tous trois s’unissent dans des symphonies de percussions corporelles fascinantes. Parfois les mots se prolongent en bruitages, comme ce bel intermède de cris de bêtes affolées par "le Loup". Submergée d'enthousiasme, V. Merveille pousse de jolis et réjouissants solos, et le trio se lance dans des interprétations joyeuses de jazz ou de gospel. Les déplacements sont chorégraphiés avec précision, la danse prolonge les instants d'émotion, et même les pauses, loin de figer les comédiens, leur donnent au contraire l’occasion de continuer leurs jeux d’enfants avec des pantomimes très cadencées. L'ensemble dégage une belle cohérence dans la fantaisie, et le fil narratif suit le rythme des mots et des jeux des comédiens, dont la complicité est convaincante.
Dans ce spectacle créatif très original, tout est inattendu et rien n'est convenu. La multiplication et la qualité des approches de la poésie donnent un charme particulier et un caractère inclassable. Comment ne pas prendre plaisir à lire ou à apprendre un poème après ça ? Cette démarche ludique conviendra à des spectateurs non initiés à la littérature ou brouillés avec l'école, comme aux amateurs de poésie qu'elle surprendra agréablement, mais aussi bien sûr à un public scolaire. La compagnie propose en addition une intervention pédagogique et poétique autour du rythme et des percussions corporelles.
Catherine Polge