One man Sud

Laurent Pit (34)

Vu le 19 Juillet 2013, Théâtre des Vents, 21h

Festival Off d'Avignon  

Création, interprétation et mise en scène : Laurent Pit

Genre : one-man-show, humour

Durée : 1h10

Public : tous à partir de 7 ans

Création : Octobre 2012 

Laurent Pit, formé à l'improvisation et créateur de spectacles depuis 10 ans présente ici son second one-man-show.

Les spectateurs qui connaissent cette partie du Gard où les taureaux appartiennent à la vie quotidienne reconnaîtront l'ambiance, les personnages, le parler, les lieux, les rituels. Pour les autres ce sera une découverte fort drôle et instructive.

L.Pit a grandi dans un village de Petite Camargue gardoise (mais néanmoins Camargue!) où il a été bercé par la gaieté chaleureuse et le langage coloré de la population. C'est à l'occasion de la fête votive annuelle que cette chaleur et cette couleur sont poussées à leur maximum car "fête votive" veut dire aussi pastis et taureaux. Laurent a 10-12 ans et nous raconte ces folles journées avec la confiance naïve de cet âge. Admiratif devant les exploits des aînés, il apprend la vie grâce à la complicité bienveillante de Jean-Pierre, ami de ses parents, et sous l'oeil attentif de sa mère institutrice du village.

Dans ce coin de France "qui culmine à un mètre du sol", le jeune Pit participe devant nous aux retrouvailles des hommes et des bêtes au pré, pour l'abrivado. C'est un moment merveilleux de sons et de parfums où sur l'herbe "2000 personnes s'affairent pour faire griller 2000 saucisses, chacun la sienne". Il y a quelques moments d'anthologie comme lorsque le gardian surnommé gracieusement Libellule, imbibé de pastis, peine à enfourcher son cheval sous les commentaires truculents de Jean-Pierre. Ce dernier impressionne le petit garçon : colosse à la voix tonitruante il est capable d'interpeller quelqu'un à l'autre bout de l'arène, faisant ainsi taire tout le monde et immobilisant même le taureau ! Car la course camarguaise, d'où le taureau, icône absolue, sort vivant et bien portant, c'est le lieu où se libèrent de grands débordements verbaux, tels ceux de Cupidon, commentateur respecté …Nous suivons ainsi les apprentissages de Laurent qui s'essaye sans grand succès à imiter « les jeunes» ou tente de comprendre certains rituels.  Mais c'est bien sûr de loin qu'il observe l'ambiance du bar, qui "n'est pas un lieu mais un moment" où la pendule donne le signal de boire ... avant l'heure !

Sur scène Pit a 10 ans, grâce à sa gestuelle, ses attitudes, son mode d’expression qui sont naturellement efficaces sans maniérisme ni affectation. Et lorsqu’il mime des adultes, sa mère, Jean-Pierre ou un gardian, accent, ton de voix, mimiques les rendent tout aussi présents. J’ai aimé ces personnages et l’aisance avec laquelle Pit passe de l'un à l'autre. Bravo !

C'est amusant, truculent, haut en couleurs, lucide et bienveillant, avec beaucoup de tendresse pour ce village. Pit échappe aux pièges qui guettent ce type de spectacle. Je n’ai vu ni "couleur locale typique", ni "condescendance amusée", ni dérision, ou attendrissement factice. Tout est simplement dit, l'accent est vrai, les notations m'ont parues justes. J'ai retrouvé en arrère-plan un peu des romans d’enfance de Pagnol et j’ai pensé que ce petit Laurent avait eu beaucoup de chance.

Lorsqu’à la fin il demande "dis, ça ne changera jamais ?" je l'espère avec lui. L'humour de Pit traduit l’étonnement et la poésie du regard d’un enfant qui veut grandir, ce qui donne à ce spectacle une dimension qui dépasse le "local". C'est sans doute en cela que One-Man-Sud me semble "exportable" dans d'autres régions, plus au Nord.

J’ai bien ri à ce spectacle très drôle et sympathique qui dégage une simplicité, une gaieté et une tendresse très précieuses.