Pelagia
10 mars 2014
Spectacle de la Compagnie théâtrale francophone, vu le 18 Décembre 2013, 16h, à la Maison Pour Tous Georges Brassens, Montpellier.
Conte de François Goudet (1998)
Adaptation théâtrale et mise en scène : Damiane Goudet
Avec Lili Sagit (Pelagia) et François Di Carlo (Hérak, le sorcier, le dragon, Mélanca)
Genre : théâtre
Durée : 45 minutes
Public : tous à partir de 6 ans
Création 2008 en Nouvelle-Calédonie, recréation 2012
La grande salle de la Maison Pour Tous Georges Brassens rassemble un public peu habitué à aller au théâtre. Les comédiens attendent un petit moment que tout le monde soit installé : une quarantaine d'enfants dont plusieurs sont accompagnés de leurs parents... et de bébés. Quelques spectateurs arrivent même en cours duspectacle. L'ambiance est bon enfant.
Dans un lointain pays bordé par la mer, et où les femmes sont victimes de nombreux tabous, Pelagia est amoureuse d’Hérak. Sortie de l'enfance, mais encore trop jeune pour intéresser ce garçon, elle décide d'attirer son attention en réalisant un exploit. La loi immuable des ancêtres dit que seuls les hommes ont le droit de voir la mer qui est gardée par un terrible dragon. Aussi Pelagia décide-t-elle d'être la seule fille à voir "la grande eau". Bravant les interdits, porteuse du "mauvais oeil", malmenée, elle rencontrera le dragon et, après de douloureuses aventures, se baignera enfin dans la mer, en se transformant en poisson-lune. Cet exploit permet à Hérak d'atteindre la sagesse et, intronisé nouveau chef, de chasser les superstitions et de supprimer l'ostracisme envers les femmes.
Surprise au début par les nombreuses déclarations du type "une femme n'a pas le droit de ..." ou "elle a le mauvais oeil", je me suis demandé quelle mouche avait piqué l'auteur... Enfin, la jeune Pelagia m'a vite rassurée en révélant progressivement le ton libérateur du récit. La mise en scène et le jeu des comédiens traduisent d'ailleurs à merveille le passage de l'adolescence à la maturité. Jeune adolescente amoureuse et déterminée, c'est d'abord avec une fraîcheur spontanée que Pelagia enfreint la loi pour plaire à ce grand dadais d'Hérak qui la regarde de haut. Puis, punie d'emprisonnement, et enfin aimée par Hérak, elle fait preuve d'une réflexion plus politique. Et c'est en jeune femme lucide et généreuse qu'elle s'échappe pour achever sa mission, rêvant d'un monde "qui n'aurait jamais connu la loi des ancêtres". Hérak suit une évolution analogue au cours de la pièce.
L'histoire est rythmée par l'alternance entre suspense et moments de détente où les enfants rient beaucoup. Le public semble accroché. François Di Carlo, qui interprète plusieurs rôles, change toujours de costume ou de masque à la vue du public, en fond de scène. Cette "ouverture des coulisses" fait participer le public avec habileté au passage de l'acteur à son personnage. Scénographie, décor et costumes sont simples et exprressifs : des masques, des tissus, un dragon amusant, et une robe rouge-orangé pour Pelagia la passionnée.
Cette pièce m'a séduite par sa triple implication : psychologique, éducative et sociale. D'une part, elle pose de bonnes questions sur les passions adolescentes qui bousculent courageusement les vieux schémas. D'autre part, elle incite à s'interroger sur le fondement de certaines craintes ou certitudes, et à questionner les superstitions paralysantes. Enfin, et ce n'est pas des moindres, elle montre l'inanité de l'obscurantisme et le rôle important que les femmes peuvent jouer pour faire évoluer les mentalités : "Il suffit de tenter", dit Pelagia.
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