Tisseurs de vent
05 mai 2014Spectacle de la compagnie "L'Oiseau Lyre" (34), vu le 21 Mars 2014, 19h, à la Maison Pour Tous Joseph Ricôme, Montpellier (34).
Adaptation de contes tziganes : Clélia Tavoillot
Mise en musique : Heykel Bouden
Aide à la création : Paule Latorre et Pascal Quéré.
Genre : contes et musique
Durée : 1h
Tout public à partir de 4 ans
Jauge : idéal 80 (max. 150)
Sortie de résidence
L’association "L'Oiseau Lyre" cherche à promouvoir le conte auprès de tous les publics et en tous lieux. S’appuyant sur un grand nombre de sources bibliographiques, Clélia Tavoillot adapte ici plusieurs contes de la littérature orale tsigane.
Une cinquantaine de spectateurs, adultes de tous âges et quelques enfants, sont réunis dans une salle de la MPT. Aucun décor si ce n'est un rideau rouge en fond de scène. Dès le début du spectacle, Clélia et Heykel nous font entrer dans le vif d’une histoire "de bonheur et de malheur". Un jeune couple en mal d'enfant donne enfin naissance au petit Bartalou. Devenu adolescent et tenaillé par "l’araignée de l’ennui", le garçon quitte ses parents pour un véritable voyage initiatique, accompagné par le vent. Fil conducteur du spectacle, Bartalou vit autant d’aventures qu'il y a de contes dans le spectacle, habilement articulés ou emboités les uns dans les autres. Le vent est ici omniprésent car, disent les Tsiganes, au début du monde il est né du souffle de Dieu, en même temps que l’homme et la femme. Ce mythe de création, raconté avec beaucoup d'humour au milieu du spectacle, donne aux humains et au vent un point d’ancrage commun. Suspendue aux récits, je constate aussi que fées, princesses, courses dans des forêts étranges, tiennent manifestement le public en haleine.
Le texte est tout à la fois poétique et concis. Il évoque de nombreuses images et émotions en abordant les grandes questions de la vie. Le déroulement du fil narratif qui suit les aventures de Bartalou donne de la cohérence à l’ensemble. Le duo conteuse-musicien fonctionne en harmonie, et répond avec talent à la demande éternelle "Raconte-moi une histoire !", que chacun formule à sa manière, quel que soit son âge. Sans utiliser d'artifices scéniques, c'est par sa voix et sa gestuelle que Clélia Tavoillot emmène littéralement le public avec elle. La salle difficile, toute en longueur, ne l'empêche visiblement pas d'accrocher les spectateurs des derniers rangs (mes voisins)! D’une aventure à l'autre, d’un personnage à l’autre, elle joue sur l'amplitude ou sur les inflexions de sa voix, ce qui donne une grande fluidité au récit. Son ton passe facilement du pathétique au comique, de la joie à l’inquiétude ou à la nostalgie. Le public rit souvent car Clélia parsème ses paroles de notes humoristiques, soulignées par les intonations. Ainsi par exemple, une rencontre entre Dieu et le diable, la découverte de l’amour par Bartalou, ou l'intervention efficace d'une fée rigolote, procurent d’excellents moments comiques. Le violon de Heykel, tantôt mélancolique, tantôt joyeux ou enthousiaste, accompagne le récit et les gestes de Clélia. Il raconte l’histoire d’un groupe tsigane, il galope avec un cheval, il suit le vent, toujours avec un grand talent. Ce spectacle a été très applaudi.
La joie et la nostalgie mêlées, les jeux risqués du vent et des humains, la magie du violon... en résumé tout ce que ce spectacle nous fait découvrir des traditions orales tsiganes, ouvre aussi sur une certaine universalité grâce à la dimension mythique des contes. A voir les sourires à la sortie, il semble bien que le merveilleux ait toujours sa place dans notre monde!
Catherine Polge