victoria-visuel photoSpectacle de la Cie "Petits Bâtons Production" (38), Avignon Off, vu le 8 Juillet 2014, 20h35, théâtre Au Bout Là-Bas.

 

Mise en scène : Hélène Van der Stichele

Interprètes : Laurent Lesavre (Tony), Muriel Roux (Victoria), Yanier Hechavarria (saxo, piano)

Composition musicale : Yanier Hechavarria

Chorégraphies : Dany Lays

Mise en magie : Gérald Garnache


VIVANT-3-COEURS-5Genre : Théâtre musical

Durée 1h10

Public : tous à partir de 12 ans

Jauge : jusqu’à 200

Création : Avignon 2014

 

Créée en 2002, la Compagnie s'intéresse à la capacité de l'art à nous révéler à nous-mêmes.

 

Ce spectacle est librement inspiré des films « Viktor et Viktoria » et « Victor Victoria ». Tout part d’une mystification, et nous sommes d’emblée plongés dans l’ambiance de cabaret, avec ce contexte si particulier de gaîté légère. Victoria, chanteuse en recherche d’emploi, se fait passer pour Victor. Ainsi pourra-t-elle se faire recruter par Tony, prestidigitateur tellement déçu par les femmes qu'il recherche un partenaire masculin qui se travestira en femme (pour le charme du spectacle). Progressivement Tony, surmontant ses réticences, tombera sous le charme de cet homme, Victor. Tous deux amoureux continueront à duper le public sur scène, tout en vivant dans leur couple un mélange des genres qui les poussera à s’interroger toujours plus sur leur identité. La fin est savoureuse et tendre et 12 cm de talons d'escarpins roses y jouent un rôle de pacification mutuelle !  


Les comédiens sont excellents, sachant être drôles et émouvants avec une grande profondeur de jeu. Muriel Roux endosse son rôle avec beaucoup de justesse, d’humour et de conviction sans jamais tomber dans la caricature. Déployant une belle palette de talents, la comédienne entonne des airs d'opéra tels « Voi che sapete » (Mozart), joue des pantomimes inénarrables, danse, peut être drôle, furieuse ou tragique. Et par-dessus tout, elle arrive à nous convaincre en homme s'appliquant à jouer un personnage féminin : quelle performance !  Touchant dans ses hésitations, Laurent Lesavre joue très subtilement une partition risquée, évitant les embûches de l’homophobie ou de l’hyper virilité. Car Tony, qui  commence par résister à son attirance pour Victor, et avoue son aversion pour l’homosexualité, passe par des émotions contrastées. Quel jeu fascinant lorsque Victor’ia et Tony s’associent enfin dans leur vie intime et risquent de se dissocier dans leurs jeux de rôles ! Montée de tensions et questions angoissées chez Tony… qui "vit avec un masque et son double" et appréhende le regard des autres, tandis que Victoria s’épanouit dans ce jeu où elle se retrouve émancipée. La musique créée par Yanier Hetchavarria est emballante et toujours adaptée au propos. Dans son rôle d’accompagnateur, il interprète ses compositions avec un grand talent, tout en jouant une charmante complicité avec la « vedette ».

 

Eblouissante, la mise en scène permet aux comédiens de révéler toutes leurs compétences dans un jeu de « qui suis-je ? Qui es-tu ? ». Hélène Van der Stichele évite toute attitude revendicatrice, mais pose avec élégance et dans une apparente légèreté les questions fondamentales sur l’identité et l’apparence sexuée : en association ou en dissociation ? Le propos de la pièce s'illustre en particulier dans une très belle scène. Chaque comédien y apparaît avec deux visages, grâce à un masque réaliste fixé derrière la tête, et avec deux costumes, un pile masculin et un face féminin. Côte à côte ils se retournent maintes fois très rapidement, nous présentant ainsi toutes les combinaisons possibles de couples: hétérosexuels ou homosexuels, travestis ou non. J’ai bien failli perdre le fil… car tous les repères conventionnels du genre et du sexe sont brouillés. Et c'est le but du jeu !

 

Ce superbe spectacle, drôle, tendre, émouvant et profond, aborde d’une manière intelligente ce masculin/féminin si tiraillé actuellement et si souvent maltraité ! Avec "Victor'ia" il n'est pas question de sexe, mais de relations, de séduction, d'amour, de respect de la différence et d’épanouissement mutuel. Respecter une part féminine et une part masculine en chacun éviterait-il de sexualiser à outrance les relations humaines, comme nous le faisons aujourd'hui ? Plus qu’utile à l’heure actuelle, "Victor'ia" permet d'introduire des discussions constructives en dédramatisant les débats. A voir en famille, seul, en couple. Conseillé aux jeunes comme aux plus âgés.


Catherine Polge

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