Villon la vie
01 juil. 2015Présent sur le Off 2015
Spectacle de la compagnie Zizags. Etape de création vue à la Baignoire (Montpellier) le 19 Décembre 2012 à 20h30, puis nouvelle version vue à l’Imprimerie (Montpellier) le 2 Février 2013.
Adaptation, compositions, montage, jeu et chants : Michel Arbatz
Musique, arrangements musicaux et sonorisation : Olivier-Roman Garcia (guitares, bouzouki, percussions)
Costumes : Florence Mourriéras et Tatsumi Miyagi
Lumières : Laetitia Orsini
Participation de Jean-Louis Trintignant en voix off
Public adulte et adolescent
Genre : théâtre musical
Durée : 1h40
nouvelle création
François Villon est né à Paris en 1431. Rebelle et joyeux drille, il mène une existence mouvementée faite d'errances, subit emprisonnements et tortures, puis disparaît à 30 ans, laissant "Le Testament". Michel Arbatz, passionné de Villon, a adapté ce poème à partir du moyen français. Le texte, rendu compréhensible, garde ses qualités dans une mise en scène éblouissante. D'une représentation à l'autre, j'ai pu voir la scénographie évoluer.
Salle pleine à La Baignoire, nous sommes une quarantaine ! Un fond de scène noir, une estrade, un tabouret, une échelle, un trépied portant chandelle, pichet et 2 verres... Olivier Roman-Garcia est installé sur le côté. Où est donc Michel Arbatz ?? L'obscurité tombe, un projecteur... puis on entend "Frères humains qui après nous vivez ...". C'est la voix off de Jean-Louis Trintignant qui dit avec gravité la 1ere strophe de l'épitaphe de Villon, puis une rapide biographie. Magnifique. La voix se tait. Montent des bruits de rue, de marché... et soudain, par une trappe, Michel Arbatz surgit sur l’estrade. Voici Villon. Avant de mourir, il nous prend comme témoins de son testament : une énumération de legs grotesques ridiculisant celles et ceux qui ont trahi ou malmené le poète.
Entre les legs, des ballades que Arbatz chante avec sa guitare, accompagné par Olivier-Roman Garcia. La misère, la malchance, la jouissance, la violence déboulent pêle-mêle à travers les regrets et les invectives. Ces poèmes aux nombreuses ruptures de ton sont terriblement vivants, insolents, drôles, tragiques ou tendres. Ils associent termes réalistes et langage poétique. On est ému, on sourit, on rit aussi.
Arbatz nous fait découvrir cet étonnant sens du spectacle qu'avait Villon : un style ciselé pour camper des personnages d'un réalisme cruel, des hésitations, des poses, des reprises fulgurantes, des digressions... Avec vigueur les mots sonnent et frappent, souvent chargés de double-sens. Un régal. Le public savoure des moments de tendresse, de moquerie, ou de violence extrême telle "la ballade des langues envieuses" où les syllabes râpent et craquent comme du slam. Arbatz suscite ostensiblement des applaudissements et laisse du temps pour les rires, comme aurait fait Villon (cabotin, dit-on).
Même si à l'époque de Villon ça ne se faisait plus, Arbatz choisit de chanter les ballades, ce qui valorise leur qualité d'évocation en opposition aux injonctions des legs. Sa voix est profonde, la musique très belle. Olivier-Roman Garcia, excellent, soutient et rythme les textes à l'aide d'une guitare ou d'un bouzouki, sur des sons andalous, des rythmes rap ou façon blues. Assis à la place de "Firmin le clerc", il écrit les legs sous la dictée de Villon puis revient à la musique pour les ballades.
Les costumes évoquent le XVeme siècle avec finesse, par quelques signes bien vus. Le blouson (de) fauve donne un caractère affirmé à Villon et s'harmonise avec les tons bruns et noirs dominants du décor. Six projecteurs au plafond jouent avec la pénombre par des éclairages croisés et quelques flaques de couleurs au sol.
C'est un très beau spectacle. Le public, initié ou non à la poésie, est surpris et séduit par la modernité de Villon (qui parle de temps si reculés...). Peut-être aura t-il envie de le (re)lire ? Méditation mouvementée sur la vie, la mort, l'injustice, la misère et le pouvoir, mais traversée par une joie de vivre, un humour et un tonus revigorant, ce spectacle s’adresse à tous celles et ceux qui aiment vivre des moments chargés d'émotions.