Après la répétition / Persona

Spectacle vu le dimanche 4 juin 2023 à Montpellier dans le cadre du Printemps des Comédiens au Domaine d’O.

De : Ingmar Bergman

Mise en scène : Ivo van Hove

Avec : Emmanuel Bercot, Charles Berling, Justine Bachelet, Élisabeth Mazet

Voix : Isabelle Huppert

Durée : 1h15

Public : Adolescents Adultes

Cette représentation propose en une représentation deux textes de Bergman : Après la représentation en première partie et Persona après l’entracte. Persona a été adapté par Ingmar Bergman au cinéma en 1966.

Après la répétition :

Avec sa sensibilité remarquable l’homme de théâtre Bergman nous plonge avec « après la répétition » dans le réalisme, le vécu relationnel d'un metteur en scène et de ses actrices.

Le rapport particulier qui règne encore alors dans les années 60-70 entre les hommes et les femmes générés par le patriarcat, la toute-puissance toujours omniprésente du masculin, de son pouvoir au sein d'un rapport professionnel particulier en l'occurrence là le théâtre.

Dans le monde du théâtre, mais pas que… la toute-puissance du metteur en scène, parfois même d’un producteur, d’un scénariste ou d'un acteur induit implicitement une soumission de la femme actrice, comédienne, danseuse.

Le début du spectacle met en scène Charles Berling, metteur en scène après la répétition avec une jeune femme scénariste. Durant cette scène, l’échange professionnel ne tarde pas à succéder à une discussion ouverte laissant libre cours aux pulsions du prédateur envers cette jeune femme.

Ainsi dès le début de la pièce, la toute-puissance de l’ego du personnage joué par Charles Berling est évidente ; Sa domination flagrante induit une emprise toute-puissante, quasi démoniaque.

Par la suite, lorsque la femme d’âge mur, la comédienne Emmanuel Bercot apparaît sur scène, celle-ci ne tardera pas à redevenir la marionnette, une proie prise au filet d'un désir de l'homme tout puissant.

Une femme brisée est induite alors ; Cette femme est brillamment incarnée par Emmanuel Bercot , comédienne d'âge mûr abîmée par sa pratique et son vécu professionnel.

Lorsque la femme quitte la scène, la jeune femme, comédienne aspirante revient.

La jeune fille devient elle-même enjeu de séduction et proie.

La femme sera hospitalisée ; Repliée dans un mutisme total elle sera prise en charge et envoyée en maison de repos. En bord de mer.

Ainsi la mise en scène d’une belle inventivité de Ivo van Hove est un magnifique hommage à l’immense humanité révélée par l’œuvre de Bergman.

Persona :

Deuxième texte et deuxième partie de notre spectacle qui s’ouvre sur un magnifique et étonnant décor : une scène semble flotter au milieu de l’eau.

Là, deux femmes, une actrice brisée devenue soudain mutique après une interprétation d’Electre sur scène. A ses côtés sa jeune infirmière essaiera sans vraiment y parvenir à la sortir de son mutisme.

Emmanuelle Bercot est assez impressionnante dans cette interprétation, en position fœtale, toute repliée au début ; elle mettra longtemps à sortir  de ce stade pour une nouvelle posture encore très autistique.

La voix off évoquera les faits qui l’ont conduite à cet état ; interrogeant l’incarnation de l’autre au théâtre sur soi, sur la personne de l’actrice (l’acteur). Au long mutisme de la patiente suivra une ébauche de communication difficile, deux femmes aux réalités différentes qui pas à pas ne se révèleront pas si dissemblables.

Force du texte, de l’interprétation de ces actrices de talent.

Une mise en scène qui rend un hommage mérité à l’immense créateur emplie d’humanisme et de grande sensibilité que fut Ingmar Bergman.

Notons l’actualité de ce propos en ce Printemps des Comédiens 2023 ; en effet en page première du journal « le monde » l’on évoquait l’annulation du spectacle de Krystian Lupa déprogrammé sur son lieu même de création, après trois mois de répétition à Genève. Le Festival d’Avignon annonce également sa déprogrammation du IN ou le spectacle devait se donner à la cour d’honneur du palais des papes. « Le metteur en scène Krystian Lupa a franchi la ligne rouge en agressant verbalement sa collaboratrice et traductrice et en mettant les techniciens à bout de nerfs et de forces » À la suite de quoi il est de toute évidence permis de s’interroger et de se demander si : Une scène de théâtre, un plateau de cinéma sont-ils des lieux de travail comme les autres ; Evidemment et dans ce cas le respect de l’intégrité de chacun et de chacune y est de mise. Il est grand temps que l’on tienne compte du respect de tous et de toutes durant leur activité professionnelle quel qu’elle soit.

Gisele Lydie Brogi