Crédit photo : Stépanie Benedicto
Crédit photo : Stépanie Benedicto

Crédit photo : Stépanie Benedicto

UN PICASSO

Spectacle de la compagnie Titan-Bérengère Dautun (75) vu au théâtre Le Rouge-Gorge (84), le dimanche 9 juillet à 17h15 dans le cadre du festival Off d’Avignon. Relâche les mercredis.

 

De : Jeffrey Hatcher 

Mise en scène : Anne Bouvier

Interprètes : Jean-Pierre Bouvier, Sylvia Roux

Adaptation : Véronique Kientzy

Décor : Charlie Mangel

Lumière : Denis Koransky

Costumes : Mine Vergez

Musique : Raphaël Sanchez

Durée : 1h15

 

Sur l’affiche se côtoient le drapeau franquiste et l’étendard du 3ème Reich. Le titre : Un Picasso. Amatrice d’Art et férue d’Histoire, je ne pouvais pas ne pas assister à l’une des représentations, jouée au Rouge-Gorge, théâtre idéalement placé derrière le Palais des Papes.

 

Le 24 octobre 1941, dans une cave parisienne, un homme attend… On entend des talons claquer : Une femme s’avance sur un parapet en surplomb. Lui, c’est le Grand Picasso, Elle c’est Mlle Fischer, attachée culturelle pour le Ministère allemand. Picasso est sommé d’authentifier 3 de ses œuvres, « trésors de guerre ». Il ne pourra sortir de cet entrepôt qu’après expertise…. La raison : une exposition d’Art dégénéré ouvert aux grands dignitaires nazis avec, en guise d’apothéose un autodafé.

Commence alors une joute verbale entre le peintre espagnol et la fonctionnaire allemande. Un échange qui ferait le bonheur de tous les étudiants en philosophie, car le dialogue entre les deux protagonistes passe par toutes les questions sur la représentation et l’utilité de l’Art dans la Société, où chacun va utiliser tous les stratagèmes pour arriver à ses fins : Sauver son œuvre ou obéir à ses supérieurs et ramener un des 3 Picasso.

La configuration du Rouge-Gorge se prête naturellement au décor et à la mise-en-scène d’une efficacité redoutable, grâce à son mur de pierre et son garde-corps au premier étage.

Le jeu des acteurs est époustouflant. Jean-Pierre Bouvier habite totalement le peintre à l’aube de ses 60 ans, mélange de perversité narcissique, de misogynie affirmée et de culpabilité silencieuse. Talentueux artiste, il manie également à la perfection sa palette verbale. Face à lui, Sylvia Roux qui campe magistralement la rigueur et la froideur que l’on est en passe d’attendre d’une fonctionnaire de l’administration du IIIème Reich, capable de tenir tête au vaniteux Picasso, malgré une fragilité qu'elle va dévoiler peu-à-peu . La tension animale, charnelle à la limite de l'adoration et de la haine est palpable.

Je me suis sentie comme un funambule sur une corde raide au milieu du vide, à pencher dangereusement d’un côté puis de l’autre. Bien entendu, notre cœur nous crie de toutes ses forces de ne pas être du côté de l’oppresseur, mais on en arrive à détester Picasso…. On se sent coupable et la balance penche de nouveau du « bon » côté. Je suis arrivée à garder pourtant mon équilibre, mais quel ascenseur émotionnel, quel grand moment de théâtre !!!

 

Myriam Chazalon

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