Le Misanthrope
Le Misanthrope

Spectacle de Thomas Le Douarec (75) vu le 13/01/2024 au Théâtre de l’Epée de Bois (75) à 16h30.

 

Auteur : Molière

Mise en scène : Thomas Le Douarec

Comédiens : Jean-Charles Chagachbanian, Philippe Maymat ou Emmanuel Rehbinder, Thomas le Douarec, Jeanne Pajon, Justine Vultaggio, Rémi Johnsen, Valérian Béhar-Bonnet, Caroline Devismes

Type de public : Tout public

Genre : Théâtre

Durée : 1h55

 

Cette mise en scène du « Misanthrope « est particulièrement réussie, et ce à tous les niveaux. Elle nous fait rire de bon cœur aux traits des protagonistes, au burlesque des personnages secondaires et à leurs interactions astucieusement orchestrées, sans tourner en ridicule le personnage antipathique et tourmenté d’Alceste.

 

Malgré le décalage de son humeur avec la légèreté générale de la pièce, on suit avec intérêt ses questionnements, ce qui le rend attachant et donne un beau relief au tragi-comique de l'œuvre. Les autres personnages, tous très bien interprétés, appuient également cet effet, ayant chacun des tons différents que la mise en scène parvient à faire cohabiter dans un équilibre intéressant. Quelques scènes m’ont néanmoins semblé un peu moins justes que les autres, à cause peut-être d’un burlesque parfois forcé, notamment pour le personnage du marquis. Mais, dans l’ensemble, la pièce réussit avec brio la tâche difficile de faire coexister le beau et le rigolo.

 

Un autre point fort de la mise en scène est sa fluidité et sa simplicité. De l’ouverture au final, les scènes s’enchaînent avec naturel et bonne humeur grâce à l’usage intelligent d’un décor sobre, de quelques transitions musicales et de projections vidéo qui s’intègrent à l’environnement moderne dans lequel évolue les personnages, où se côtoient boîtes de nuit, smartphones, streams et selfies.

De manière générale, même si cela apporte un côté amusant et superficiellement original, je trouve que mettre en scène une œuvre classique dans un contexte contemporain tout en faisant ressortir la profondeur de son propos, sans confusion ni critique basique de la modernité, est très délicat et, bien souvent, dilue l’intérêt du texte. Mais ici, c’est bien l’inverse qui se produit. Les blagues et les effets anachroniques sont utilisés avec finesse et parcimonie sans s’interposer avec le texte (sauf peut-être dans la scène finale un peu trop chargée) ce qui met la pièce de Molière en valeur sans la dénaturer et lui donne par là même une portée intemporelle intéressante.

A part la fin, dont le tragique n’est que timidement exploré de sorte qu'il n’a pas vraiment le temps de résonner, cette adaptation du « Misanthrope » rend toute la profondeur de cette œuvre magistrale avec légèreté et accessibilité.

 

Alexandre SAINT-DIZIER

 

(spectacle également chroniqué lors du festival d'Avignon 2023, lire l'article ici)

 

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