akumulus_pendus.pngVu le 18 juillet 2014 au C.H.R.S Croix Rouge, lors du festival Avignon Off.
Spectacle de la compagnie Kumulus, Barthélemy Bompard et Nadège Prugnard. 

Interprètes : Eric Blouet, Barthélemy Bompard, Thérèse Bosc, Céline Damiron, Nicolas Quilliard
 Technique : Djamel Djerboua
 Son : Ugo Walter

vivant-3-toiles-4Genre : Théâtre punk, scènes violentes, réalistes, romantiques
Public : Peut heurter la sensibilité des plus jeunes
Durée : 45 minutes


Démarrer le festival d'Avignon en choisissant « Les Pendus », texte de Nadège Prugnard, mis en scène par Barthélémy Bompard, c'est forcément vouloir immédiatement un coup de poing dans les oreilles et dans le ventre, un coup de poing dans les yeux, d'expressionisme et de réalité crus.

4 potences. 4 pendus. 2 bourreaux. Le public.

Le gars Bompard est inspiré par le travail du peintre néerlandais Jérôme Bosch (auteur du  Jardin des délices), et par Alain Platel, le chorégraphe et metteur en scène belge (obsédé par l’idée du neuf). La scène (4 gibets) nous plonge dans une réalité à fleur de peau, dont on ne connaît pourtant pas l’expérience. Ca a l'air si vrai que, dans un instant, on s’en doute,  nous verrons mourir 4 personnes, devant notre « caméra des yeux ».
Une mort publique et théâtrale.
Du statut d’intermittent ? Ça pourrait. Le metteur en scène le rappelle en début de spectacle. Dans son costume de bourreau.

Sans le public, pas de montée à l’échafaud.  

Dans une scénographie simple et efficace, les 4 condamnés à mort et leurs bourreaux vont dévoiler au public une expérience complètement unique de la mort : les paniques qui précèdent, la dernière microseconde où le sol se dérobe, les halètements qui suivent, et les cris qui renaissent du néant,  quand les 4 âmes, cœurs, corps lourds de pendus continuent de gueuler leur soif de liberté au monde, encore, après la mort.

L’incompréhension, la peur, la panique de la mort et du néant ; la honte, la sentence brutale par un système méprisable et injuste ;  le rêve, la plongée dans le vide, le frisson, les interrogations « J’me sens vide », «  je tombe ». Les mots, les flots de mots qui vous submergent pendant cette fraction de seconde, où l’on cherche à comprendre, à lutter, où l’on voit des milliers de choses que l’on veut dire, décrire, qui ne finissent jamais tant qu’on n’est pas mort, tant qu’on a la liberté de continuer à parler, comme des choses encore à dire, qui viennent, dans le désordre, par convulsion, comme des flash, des bouts de phrases et de vies qui survivent dans la panique de pas savoir ce qu’il faut dire, dans la panique de pas pouvoir tout dire, de perdre tout, sa dignité, sa liberté, ses rêves, ses idéaux, comme un réveil soudain parce qu’on sait qu’on va mourir, des « bourre ta gueule mort frappe crie », […] des « fucking bullshit » . Ça percute, ça slamme, ça éructe, ça ne finit jamais de dire.
C’est provocateur, c’est brutal, c’est violent.
Et pourtant c’est romantique.
La liberté et le punk chez Nadège Prugnard c’est sacré. Mais l’amour aussi.
Et ça doit se faire lentement, avec du rouge, même après la mort, parce que ça doit rester immortel. Et ça doit se faire comme un cri à la liberté. Corps raidis mais libres de parler.

On découvre peu à peu l’histoire de ces 4 déclassés, de ces 4 laissés pour compte, 4 poings tendus, corps attachés et raidis qui dansent et valsent en s’égosillant dans le vide longtemps, lentement, pendant et après leur mort. Les comédiens sont suspendus ainsi pendant presque tout le spectacle, attachés pieds et poings, suspendus dans le vide. Et l’on apprend tour à tour…l’intellectuel, le manifeste du suicidé, l’émigrée musulmane sans papier, brimée par les institutions sociales et politiques, par les hommes, par les français ; la femme, artiste, violée, dépossédée, dominée ; le punk à chien, qui casse les règles qui « fait chier tout le monde », mais à qui on n’a pas donné sa chance, rébellion, « Pogo Pogo Pogo » ! Le cri, la violence ; la liberté qui menace de partir, et toujours, les mots, les mots, qui ne finissent jamais de dire et qui ne veulent pas mourir : « et cette putain d’âme qui ne veut pas s’envoler » !

Entre Pussy Riot pour le côté Punk Rock Révolté et Charles Baudelaire pour son hymne au romantisme symbolique, la langue Bompard/Prugnard est née. Interprétée par des comédiens intenses, habités.

"Pogo pogo pogo !!"  

Ce spectacle a été joué à Avignon dans une cour, en plein soleil, sous un immense et magnifique marronnier en fleurs. (Le spectacle peut aussi être joué en rue devant un mur en béton gris), et en plus, pendant le spectacle, on vous offre même des cravates et des glaces…

Danielle Krupa / www.allez-zou.fr
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