Crédit : Philippe Hanula

Spectacle de la compagnie Théâtre du Midi (77), vu à la Fabrik Théâtre à Avignon le 8 juillet 2021 à 16 h 20. Dans le cadre du Festival OFF d'Avignon du 7 au 31 juillet. 


 

Texte, adaptation et mise en scène : Antoine Chalard

Interprétation : Florent Malburet, Antoine Chalard, Caroline Pallarès

Masque : Galina Molotov

Public : Enfants de 8 à 13 ans

Durée : 1 h

 

Un challenge extrêmement délicat que relève ici avec brio Antoine Chalard du Théâtre du midi. Parents, grands-parents d'enfants, courrez assister à cette représentation exceptionnelle de théâtre destinée aux enfants ! Quelle prodigieuse réussite que cette adaptation proposée à la Fabrik Théâtre en cette édition 2021 du Festival OFF d'Avignon.
 
Aujourd'hui plus que jamais après ces longs mois sans vous, acteurs, qui nous enchantent du "vivant", il n'est plus que jamais essentiel de conduire nos plus jeunes au théâtre, au spectacle vivant. Il dépeint, comme seul cet art sait le faire, notre humanité dans tous ses recoins beaux et sombres. Merci à Antoine et à l'ensemble de la Compagnie du Midi d'avoir œuvré si finement pour révéler aux enfants de manière élégante, sensible, intelligente et respectueuse, John Merrick, l'homme éléphant. Une prouesse pertinente d'adaptation, une ode à la différence d'une qualité et d'une sensibilité rare.

 

La pièce est vraiment conçue pour les enfants afin de leur conter, grâce à la magie du Théâtre, l'histoire de la vie de John Merrick (Elephant man). Fidèle à l'histoire originelle, l'œuvre proposée ici est habillement adoucie par une présence musicale fluide et douce, au piano essentiellement. Par rapport au film de David Lynch, la différence physique de John est atténuée et se limite à une tête difforme, et aucune déformation des mains et du corps. L’éclairage est doux, délicat. Les costumes d'époque sont soignés et parfaits. Sur le plateau, le décor sobre se limite à un fauteuil voltaire, un voilage qui permet un arrière-plan scénique. Le tout évite la lourdeur, et reste léger et délicat.

Ici, l'histoire se décline en conte. Elephant man, John, est introduit finement, avec grande délicatesse et les scènes sont ponctuées de silence avec quelques notes de piano attendrissantes et apaisantes. Là, il n'y aura pas d'insistance sur le pathos ni la cruauté de Madame Kytes, ni l'exploitation de cet être humain en animal de foire. Les faits sont évoqués sans insistance. Les non-dits, plus que des mots, ont leur place, ils laissent place à la découverte de la sensibilité et l'intelligence de cet être humain malmené.

 

Ainsi la rencontre avec le Docteur Treves et l'entrée de John en son hôpital révèlent à tous qui est John Merrick. Sous la protection du Docteur, peu à peu, il parle, s'exprime, s'ouvre progressivement aux autres. Il reprend confiance en lui, se fie aux autres, notamment à l'infirmière Madame Motherhead (interprétée par Caroline Pallarès) fort hostile lors de son arrivée au sein de l'établissement. John a repris confiance progressivement en son entourage. 

Ainsi, le Docteur va lui proposer de rencontrer peu à peu dans sa chambre l'élite londonienne dont une admiratrice. Alors que John lui l'ignore, il s'agit de la princesse Alexandra du palais royal de Londres. Plusieurs visites, et très vite, ces deux là deviennent amis. Lorsque lors d'une de ses visites, Alexandra lui offre un phonographe, ils dansent sur l'air de "un jour mon prince viendra". S’ensuit un tableau magnifique, la jeune femme termine sa visite et, resté seul, John danse seul dans un cercle de lumière.

L'interprétation des trois personnages féminins aux personnalités fortes et opposées sont portées avec le talent de Caroline Pallarès qui est terrible et toute de douceur aussi. D'un spectacle si sensible et juste, on sort touché par la triste et émouvante réalité. Cette proposition théâtrale destinée au jeune public permet un regard bienveillant sur cet être "hors normes". C'est ce que permet, cette précieuse version contée, délicate et superbement construite du début à la fin. Cette forme est parfaitement adaptée aux enfants bien souvent plus tolérants que les adultes à considérer leur prochain avec empathie et amour.   

 
Merci à Antoine Chalard et à son équipe d'avoir créée ce spectacle au service de l'adulte en devenir, porteur d'une intelligence innée et en cours d'acquisition dès le plus jeune âge. Une étape essentielle importante pour les générations à venir et le spectacle vivant de demain. Merci à vous de nous surprendre, de nous émouvoir toujours plus ! Et pour Florent Malburet, excellent, masqué tous les après midi et notamment en cette année 2021, ce fut admirable !  Merci évidemment à tous les niveaux, je compatis, le public aussi, et on vous remercie du fond du cœur pour cette incarnation parfaite de John.

BRAVO !

 
Gisèle-Lydie BROGI
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