La Classe vive
La Classe vive

Spectacle de la Cie Tire pas la Nappe (34), vu au Domaine d'O, théâtre d'O, Montpellier (34), dans le cadre du festival Saperlipopette, 9 Mai 2015, 15h

De : Marion Aubert

Mise en scène : Marion Guerrero

Avec : Marion Aubert, Xavier Bazin, Capucine Ducastelle et Gaëtan Guérin

Création vidéo et sonore : Thibault Lamy

Lumières : Olivier Modol

Genre : Théâtre (écriture contemporaine)

Public : Tous à partir de 8 ans

Durée : 1h

Création 2015

M. Aubert présente ici une forme de spectacle "moins habituelle" que ce qui est souvent destiné aux enfants. Le fil narratif complexe se déroule entre aventures et effets de surprise. On y voit Nestor (7 ans) discutant avec sa mère M. Aubert. Elle ouvre un "cahier d'imaginaire" et commence à écrire... le spectacle auquel nous assistons. Les personnages apparaissent, en vidéo ou interprétés par des comédiens. Ce sont Marguerite Duras, un mystérieux "enfant à capuche" nommé Ernesto, Monsieur Salomé, instituteur décalé, et quelques élèves : Nordmann le cancre et ses copains. Les enfants poursuivent une quête aventureuse palpitante à coups de questions sur la vie et de réponses imaginées. En cherchant à déchiffrer le monde, ils se confrontent au terrible "Trou (de mémoire) de Marguerite (Duras)", à la déstabilisation tragi-comique de leur instituteur ou aux apparitions fantasmatiques d’Ernesto. Le spectacle s'achève sur les éclats de rire complices de M. Aubert et Nestor.

A l'origine de cette pièce, il y a une demande de Nestor à sa mère : "Quand donc m'écriras-tu un spectacle ?" Mais entre eux les centres d'intérêt divergent. M. Aubert décide alors de parler "des choses du monde". Inspirée par Duras qui avait interviewé des enfants dans les années 1980, M. Aubert a rencontré 200 enfants de 7 à 11 ans et recueilli leur vision du monde. Avec tous ces matériaux (mots, dessins, etc.) l'auteure a créé ce spectacle tout en restant en liaison avec les enfants sur un blog. M. Aubert partage avec M. Duras le même regard subversif sur l'école et la vie. Les personnages d'Ernesto et de Monsieur Salomé font référence à "Ah ! Ernesto", album pour enfants écrit par Duras, où un garçon ne veut plus aller à l'école et où son maître admet ses propres limites. A 50 ans d'écart, M. Aubert va bien sûr plus loin, par exemple en abordant avec Ernesto les questions d'exclusion et en faisant perdre à Monsieur Salomé l'usage des mots...! Duras enfonce le clou en déclarant avant de partir "Toute ma science ne me tient pas bien chaud" !

Avec une mise en scène qui articule jeu théâtral, vidéo, musique et lumières, le propos de la pièce atteint une authenticité parfois dérangeante. Les enregistrements de Marguerite Duras sont surprenants de vérité, au-delà même des mots. Les apparitions fugitives de l’enfant à capuche parlent d'exclusion plus qu'un long discours. C’est dynamique, incisif, truffé d’humour et de poésie et le rôle joué par les lunettes et la cigarette de Duras mérite à lui seul une mention ! Les comédiens sont parfaits, dans des rôles pas commodes. La forme délibérément un peu farfelue du spectacle crée des chocs salutaires en nous renvoyant aux valeurs que nous proposons aux enfants et à nos "trous de mémoire" qui occultent l'enfance. Les jeunes spectateurs se retrouvent manifestement dans le spectacle et bénéficient d'une présentation comme "en temps réel" du processus de création. Bravo !

Le style "contemporain" de l'écriture et de la mise en scène peut surprendre certains adultes et il n'est pas inutile de rappeler, avant la représentation, l'origine de cette création. A partir de 8 ans les enfants apprécieront cette pièce qui leur est destinée et qui accompagne leurs préoccupations en leur procurant un beau voyage dans l'imaginaire. Ce spectacle, qui peut ouvrir des débats, est aussi à conseiller aux professionnels de l'enfance et aux parents, évidemment.

Le blog est accessible en ligne (http://laclassevive.unblog.fr/).

Catherine Polge

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