La Mort est mon métier
La Mort est mon métier

Spectacle de la compagnie De la Courte Echelle (91), vu le 9 juillet 2016, à 17h20, à L’Espace Alya à Avignon, dans le cadre du Festival Off 2016

Adapté du livre : "La mort est mon métier" de Robert Merle

De et avec : Franck Mercadal

Genre : Théâtre contemporain

Public : Tout public

Durée : 1 heure

Dans une salle à moitié pleine, un personnage glacial nous attend, assis sur une chaise, le visage fermé. Il s’agit de Rudolf Lang, alias Rudolf Hoess, soldat ordinaire mais pourtant bien réel, devenu commandant du camp d’Auschwitz… et initiateur de la mise en œuvre technique de la solution finale. Autant dire qu’il ne s’agit pas d’un spectacle léger. Mais je savais à quoi m’attendre puisque j’avais déjà lu le roman de Robert Merle. La question de la responsabilité et de l’obéissance est au cœur de ce texte poignant.

Dans une mise en scène dépouillée mais riche d’idées, Franck Mercadal - comédien et également adaptateur du roman -, joue tous les personnages dans un registre peu usuel pour ce genre de sujet. Il campe le père, autoritaire maladif, qui inculque à son fils le respect de la hiérarchie et de la soumission à l’autorité, puis les différents personnages qui croisent la route sinueuse de Rudolf Lang. Ce dispositif peut surprendre, mais le comédien tient parfaitement l’exercice et passe de l’un à l’autre avec aisance et fluidité.

Ce texte nous montre le mécanisme de l’autorité et le culte du commandement. Bien sûr, à cette période, ces valeurs étaient particulièrement fortes en Allemagne, et le chef ne pouvait pas être remis en question. D’autant plus qu’en se concentrant sur l’aspect purement technique de sa mission – il parle d’unité, et non pas de personnes ou de prisonniers, – il déshumanise sa tâche pour en faire "un travail à faire". Il pouvait ainsi jouir d’une vie de famille au sein même du camp, où son épouse n’avait pas connaissance de sa mission globale, mais qui en le découvrant le renverra face à sa responsabilité et son choix personnel. Il ne se voit que comme un rouage au profit d’une décision qui ne lui appartient pas et c’est ce qu’il clamera jusqu’à la fin au Procès de Nuremberg où il sera jugé : "Mon devoir est d’obéir". Etonnamment, dans le spectacle comme dans le livre, j’ai fini par ressentir une sorte d’empathie pour lui malgré ses crimes monstrueux. C’est probablement sa condition d’être humain, confrontée à ses choix et à son parcours, qui me touche.

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Ces mécanismes d’obéissance ne sont-ils pas toujours présents? Il me semble que c’est aussi là, l’intérêt du sujet. Un échange rapide à la fin du spectacle avec une autre personne, m’a permis de me rendre compte que cette question du choix personnel face à un système autoritaire ne semblait pas d’une évidente actualité pour tous. Dommage. Et pourtant…

Eric Jalabert

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