Crédit : Le Bruit de la Rouille

Crédit : Le Bruit de la Rouille

Antoine et Cléopâtre

Un spectacle produit par la Cie Le Bruit de la rouille (69) et vu au théâtre du Balcon le 26 janvier 2020.

 

 

Mise en scène : Melaine Catuogno

Texte : William Shakespeare

Interprètes : Mélaine Catuogno, Vivien Fedele, Julien Perrier et Alexandre Streicher

Durée : 1h40

Genre : Théâtre 

 

Il faut du muscle pour s’attaquer à Antoine et Cléopâtre, et ce n’est pas chez la compagnie du Bruit de la Rouille qu’il fait défaut. A perdre haleine au rythme du tambour, quatre comédiens jonglent durant une heure quarante avec huit personnages pour tenir l’attention du public d’une poigne de fer. Pas question de cligner des yeux : dans ce blockbuster antique, un battement de cils et le monde s’effondre.

 

Au premier siècle, le monde est un trépied qui court vers l’apogée des Empires ; que deux de ses piliers s’enlacent et le voilà qui s’effondre. Cléopâtre, Reine d’Egypte, tient à son bras Antoine qui régit l’Orient. Leur union vient contrarier les ambitions de César, maître de l’Occident. L’adversaire est un territoire qu’il faut conquérir sous peine de disparaître. La destinée du monde se joue dans les lits comme dans les grands conseils, dans les alcôves comme dans les guerres. La politique ne connaît pas d’intimité puisqu’elle se résume aux relations entre ces trois icônes, dont la grandeur et les décadences façonnent l’Histoire. L’interprétation de la compagnie rend limpide la géniale analyse que fait Shakespeare du sentiment amoureux et de la marche de l’histoire. Les personnages y sont entiers : pas question que l’amour (ou la guerre, si l’on considère qu’il s’agit de deux choses distinctes) mène à autre chose qu’à la mort. Certes, ces rois sont des enfants qui jouent aux dés avec des continents, mais leur engagement total, pour égoïste qu’il soit, les rachète aisément. 

 

Le Bruit de la Rouille ne manque pas de ressources pour faire concurrence aux superproductions américaines en la matière. Les batailles navales ou terrestres sont au rendez-vous : il suffit d’une souplesse au moment de déposer le bateau en papier sur la table pour en faire une armada, d’un geste leste du poignet en remontant la manche pour que la veste enfilée transforme un serviteur en empereur. Le théâtre pallie son manque de moyens par un atout majeur que tous les arts lui envient : la présence. Melaine Catuogno campe une Cléopâtre armée jusqu’aux dents de charisme et de sensualité face à un Alexandre Streicher en Antoine bestial. Les corps sont avides de jeux, de mouvements, de baisers, d’alcool et de festins. C’est l’intention qui compte, dans le présent comme dans les présents, et l’intention est au rendez-vous. 

 

Je ne peux que vous inviter à prêter l’oreille au Bruit de la Rouille, qui saura se faire entendre avec une nouvelle création populaire et intelligente où se conjuguent à merveille épique et romantisme. 

 

Mathieu Flamens

 

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