Un premier festival de la chanson, avec de drôles d’oiseaux -à plumes et à poils-, franchement réussit à Avignon

Les 11,12 et 13 juin, j’ai eu le grand plaisir d’assister à l’éclosion de ces drôles d’oiseaux. Le nid était douillet : la grande ferme de l'acacia de la famille d’Olivier Bougé, agriculteurs accueillant proposant une agriculture bio, dans la ceinture verte, zone agricole préservée* en bordure d’Avignon. Un havre de paix, simplement mais efficacement aménagé pour l’occasion, tant pour l’accueil du public que pour l’écoute des artistes.

On ne pouvait rêver mieux après près d’un an enfermé et le public a répondu présent sur les trois journées, avec environ 150 personnes chaque jour.

Imaginé par Thomas Pitiot et organisé par L'Océan Nomade, association avignonnaise qui porte les projets de cet artiste humaniste, le festival Drôles d’Oiseaux allait commencer à gazouiller.

Ce vendredi 11 juin, pour l’ouverture à 19h30, voici Lily Luca, autrice compositrice interprète comme tous les invités de ce drôle de festival de chansons à plumes.

Avec sa voix douce et acidulée, elle nous tricote des histoires bien rythmées, universelles sur un mode très personnel (« J’suis Open » sur les violences conjugales… en ouverture, cela pose et impose). Elle est décalée, d’une violence contenue, et nous fait partager ses points de vues de femme, entre poésie douce, humour distillé et autodérision. Un très bel équilibre pour ce premier set guitare-voix d’une petite heure.

Après un petit entracte qui permet tant de se restaurer de produits d’ici que de boire une bière fraîche et locale, d’échanger avec des amis pas vu depuis longtemps, ou de se poser pour savourer l’ambiance, voici Volo, le duo des frères Volovitch – ex Wriggles-. Quand même, pour un premier festival autofinancé, une belle tête d’affiche.

En fait leur nom ne m'évoquait rien… mais je me disais que j’avais l’impression d’avoir déjà entendu 100 fois ces airs là pendant leur concert. Forcément, je ne suis pas grand fan de « chanson française », mais j’en écoute un peu… Ils sortent leur sixième album en 20 ans de carrière.

Ça swingue, les textes finement écrits nous parlent de notre temps sur des sujets bien identifiés (les survivalistes, la crise de la quarantaine, les extravagances libérales, les dysfonctionnements environnementaux…). C’est engagé, très propre et cela prête à réfléchir. Les harmonies sont soignées. Ils chantent en duo en s’accompagnant à la guitare.

Pour le coup, j’aime beaucoup « chanson française », où ils tentent l’humour.

[En écrivant cette chronique, j’écoute Volo sur Youtube, et cela sonne exactement de la même façon qu’au concert. ].

Un moment très agréable que j’ai partagé avec un public connaisseur et ravi d’assister à cette première soirée.

Nous poursuivons une exploration de la diversité de la chanson française, et de « Drôles d’oiseaux » à drôles de chansons, il n’y a qu’un poil.

Deuxième soirée du festival le samedi, toujours dans cette belle ambiance chaude, humaine et chaleureuse, avec Flavia Perez qui ouvre cette seconde soirée du festival.

Flavia revient sur scène après 4 ans consacrés à d’autres projets (écriture, spectacle jeune public…). Pour être transparent, je connais Flavia depuis longtemps et nous avons eu le plaisir de travailler ensemble sur des projets de Vivantmag, notamment sur les brigades d’écritures populaires et plurielles. Voir ici.

Nous avions évoqué ensemble la pertinence de « chroniquer quelqu’un que l’on connaît ». Vous êtes prévenu… mais je fais court.

Commençant par « Je chante », hommage à la chanson qui nous permet de respirer, elle nous dépose au creux de nos oreilles avec sa guitare à sept cordes, des rythmes chaloupés et chauds, et nous fait partager ses textes mordants, verts et drôles : « Mes frères sont des loups », « Allo le cosmos » ou «  Je suis actionnaire de mon frigidaire ». Un autre versant de cette chanson française de base -toujours guitare-voix- artisanale et qui permet dans sa diversité de parler à chacun de nous, et de toujours rencontrer quelqu’un qui sera touché et ému.

Après cette mise en bouche, une pause pour s’hydrater et se restaurer dans cette ambiance « monde d’après » voici Wally, le chanteur du Sud aux chansons extra courtes (parfois 10 à 15 secondes). Il faut être très attentif tellement que cela fuse dans tous les sens.... Un vrai régal.

Wally ? Est-ce de la chanson française ? Peu importe... c’est drôle et très habile.

En ouvrant son spectacle avec la recette de la daube en anglais, et en faisant reprendre au public, le refrain « in the refrigerator... », on jubile et il donne le ton. On ne va pas pleurer. J’ai déjà vu Wally plusieurs fois, mais c’est un vrai délice lexical à chaque fois. Difficile de traduire par écrit ses chansons, ça ne marche pas. Mais tout le monde en prend pour son grade, ce n’est parfois pas très fin, un peu lourd (mais comme il l’annonce, cela renforce encore l’impact…. et il en joue) ou bien perché, mais cela percute à une vitesse folle. C’est un jongleur de mots, un conjugueur atypique, un poète des sens. Ça joue sur les mots et ça déjoue les maux.

Ça va vite et ça décoiffe. Il porte ses propres textes mais également ceux d’autres acolytes, comme Vincent Rocca ou Chrazz (de la filière aveyronnaise). Une vraie fraîcheur bien loin de l’image que j’ai parfois de la chanson française, des chanteurs à moustache jaune ou des chanteurs morts. C’est frais, intelligent, simple et drôle. Et plein d’auto dérision.

Dimanche, c'est la chorale sauvage!

Le festival se termine le dimanche par la chorale sauvage, chorale amateur avignonnaise managée de main de maître par Thomas Pitiot lui-même (chaque dimanche, cette chorale se retrouve à Avignon dans la joie et la bonne humeur avec 40 chanteurs amateurs -ne cherchez pas c'est complet pour cette année-), suivi de Nationale 7 dont je n’ai vu que la fin mais qui mettait une belle ambiance pour clôturer ce week-end.

Thomas Pitiot -que je connais un peu aussi- est un homme et artiste (là on prend le pack) d’une gentillesse et d’une bienveillance rare. Pour vous dire, il souhaitait laisser la place à d’autres sur scène pour cette première édition et n’a même pas présenté son dernier Album « Chérie Coco » qui vient juste de sortir. Je vous disais, un homme rare ! Alors promo perso.

Bravo et merci à l'équipe L’Océan Nomade, mobilisée autour de ce beau projet. Le participatif présent de cette façon, c’est un vrai temps d'avenir.

On attend avec impatience la prochaine édition.

 

Merci à Cédric/Studio Delestrade pour ces belles photos.

Eric Jalabert

La ferme d’Olivier Bougé connaît bien le caractère fragile de la notion de « zone préservée », puisqu’il a dû s’installer ici suite aux projets de construction de la LEO -Liaison Est Ouest pour contourner Avignon et décharger le trafic toxique pour les riverains. Cette liaison empiétera largement la ceinture verte. Un projet très avancé mais qui partage les Avignonnais.

https://www.vaucluse-agricole.com/articles/projet-leo-vers-la-mort-de-l-agriculture-dans-la-ceinture-verte-1299.htm

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