Giovanni Cittadini Cesi pour le théâtre du Rond-Point.

Giovanni Cittadini Cesi pour le théâtre du Rond-Point.

Les gros patinent bien, cabaret de carton

 

 

Un spectacle produit par la compagnie le fils du grand réseau (29) et vu au Théâtre du Rond-Point  le 7 janvier 2022.

 

Création : Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois

Comédiens : Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois

Ingénierie cartons : Charlotte Rodière

Régie plateau: Emilie Poiteaux en alternance avec Elvire Tapie et Colin Plancher

Genre : théâtre et théâtre d’objets

Public : tout public

Durée : 1H20

 

Dix ans que je ne les avais pas vus. La dernière fois, c’était pour « le gros, la vache et le mainate » avec mes collégiens. Souvenir quelque peu cuisant, non que ça leur ait déplu à mes gosses, au contraire, mais quelle pression pour moi que d’oser les amener voir un spectacle si provocateur. Alors, il m’a fallu tout ce temps pour digérer mais quel bonheur !

 

Même si la réalité est sans doute différente, je les imagine bien, Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois jouer en amont de la création tels deux gosses à « on dirait que tu serais un américain paumé au fin fond de l’Islande, maudit par une sirène ». Et à partir de cette situation initiale, dériver dans un road movie aussi tenu dans le synopsis que débridé dans la création.

Un américain donc. On le sait parce qu’il le dit et qu’il est addict au coca lequel tombe systématiquement à l’eau avant consommation. Quelque peu replet, il passe son temps assis, tiré à 4 épingles dans son complet. Il parle un idiome si étrange qu’il en est inintelligible. Pas de panique : son acolyte, grand échalas en maillot de bain, se charge de la traduction façon cinéma muet.

« Il était un petit homme… avec sa maison tout en carton » : la ritournelle est de mise ! Cartons réduits à de simples pancartes pour décoder ; cartons animés pour mimer (le battant d’un pan de carton, c’est parfait pour imiter un phoque à la queue frétillante) ; cartons marionnettes à tige pour parler des migrants qui se noient dans l’indifférence généralisée ; cartons à toutes les échelles pour dessiner des perspectives et des mouvements ; cartons accessoires pour suggérer des coiffes folkloriques et autres éventails ; cartons plus sophistiqués pour installer une échoppe éphémère, une moto, un phare !

Nos Laurel et Hardy, dans cette incroyable économie de moyens, et au-delà de la loufoquerie de l’ensemble qui fonctionne sur le comique de répétition nous servent une tranche de jeu admirable. Car il en faut du talent pour débiter un texte imbitable et des chansons qui ne le sont pas moins avec un aplomb à toute épreuve. Et il en faut un talent pour, quasiment à poil, atteindre ce degré de perfection gestuelle dans le maniement synchrone des cartons sous toutes leurs formes.

 

« Les gros patinent bien, opéra de cartons », est un spectacle intelligent, irrévérencieux, techniquement parfait et tout simplement jubilatoire.

 

 

Catherine Wolff

 

 

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