ACTING

Spectacle produit par le Théâtre de la Ronde (84), vu au Pôle culturel de Sorgues le 14 novembre 2023

Auteur : Xavier Durringer

Mise en scène : Albert Lerda

Comédiens : Stefo Linard, Ange Paganucci et Albert Lerda

Genre : Théâtre contemporain

Durée : 1h15

Public : A partir de 12 ans

Cette pièce écrite par Xavier Durringer, un auteur, metteur en scène et réalisateur qu'on ne présente plus, n'a pas besoin d'une mise en scène sophistiquée : une cellule de prison, 3 lits, 1 table et quelques graffitis aux murs font bien l'affaire.

L'ambiance est à la routine bien huilée entre deux prisonniers partageant la même cellule : l'un, prénommé « Gepetto » est plutôt « bonne pâte » et amateur de bons mots et de blagues salaces ; l'autre, Horace, est mutique ; leur cohabitation se passe donc sans heurts, chacun sachant ménager les susceptibilités de l'autre. Le mutique est insomniaque et regarde la télévision toute la nuit, profitant de sa réputation d'étrangleur des calanques ou de sérial-killer de la Canebière, pour que son co-détenu ne le contrarie pas au vu de ses lubies. En revanche, notre mutique sert volontiers de pourvoyeur de bières dont Gepetto est friand.

Les longues peines se vivent donc dans une apparente sérénité, lorsqu'arrive un troisième détenu : Robert. D'entrée agressif, voire un peu méprisant, il va rapidement céder aux questions de Gepetto qui est un moulin à paroles : pourquoi est-il là ? Que faisait-il dans la vie, « avant » ?

« Acteur »... je suis acteur, répondra-t-il avec emphase à un Gepetto fasciné par cette improbable rencontre ; car pour Gepetto, faire l'acteur c'est son rêve depuis toujours.

Cependant, les codes culturels de nos deux protagonistes sont quelque peu différents car si Robert cite Shakespeare dans le texte, Gepetto ne connaît que Sylvester Stallone ou John Travolta. Alors évidemment, comme le dit si bien Robert : « Y'a du boulot ! »

Pourtant, devant l'insistance du petit malfrat, un grand enfant qui n'a reçu aucune reconnaissance de toute sa vie, Robert se prendra au jeu : il va tenter d'inculquer à cet être brut de fonderie l'art du mouvement, de la diction et du ressenti d'un texte. Gepetto se pliera aux volontés de ce professeur tyrannique qui prend sa revanche sur une carrière ratée : il va former le meilleur acteur de toute la décennie...

Le troisième larron restera mutique mais se manifestera par sa bonne volonté en... servant des bières entre chaque répétition, et en se travestissant non sans drôlerie avec une couverture et un balai pour illustrer une scène d'Hamlet aux côtés d'un Gepetto qui, peu à peu, déclamera son texte avec une surprenante conviction...

Le jeu m'a tout d'abord paru facile, avec quelques bons mots un peu « clichés » et un texte qui aurait pu être beaucoup plus écrit, fouillé dans son vocabulaire. Ce qui m'a interpellé en revanche, c'est l'apprentissage de Gepetto, car le jeu des comédiens devient consistant au fur et à mesure des progrès de notre élève qui se révèlera un Hamlet crédible et torturé. J'aurais aimé le voir déclamer plus longtemps, sa métamorphose nous aurait davantage émus...Car la magie du théâtre, c'est ça : un texte, une tirade permettent la transformation d'un être brut en un personnage habité, sensible et vulnérable.

Mais la prestation d'ensemble est enjouée, plutôt drôle et sans temps morts. Ces trois comédiens et notre mutique (qui n'est autre que le metteur en scène de la pièce, en plus d'être serveur de bières...) facétieux à souhait, se donnent à fond dans cette comédie douce-amère, drôle et émouvante à la fois.

Un bon moment partagé avec un public conquis.

Evelyne Karam