Pascal Victor

Pascal Victor

Vie et mort de Mère Hollunder

 

 

Un spectacle produit par le TGP (Saint-Denis, 93) et vu le 11 octobre 2019 au Théâtre du Rond-Point.

 

Texte : Jacques Hadjaje

Mise en scène : Jean Bellorini

Comédiens et musiciens: Jacques Hadjaje

Genre : Théâtre

Public : Adulte

Durée : 1H

 

 

J’ai pour habitude d’aller voir les spectacles de Jean Bellorini en son fief de Saint-Denis. Mais le mois d’octobre m’offrant peu de tentations théâtrales, j’ai devancé l’appel !

 

« Vie et mort de Mère Hollunder » est un spectacle fort différents des autres dans la mesure où Jean Bellorini s’est mis en quelque sorte au service de Jacques Hadjaje, auteur et  seul interprète de la pièce ; laquelle est une variation de « Liliom » de Ferenc Molnar mis en scène par Bellorini en 2013

« Vie et mort de Mère Hollunder » met en scène une maîtresse femme, veuve du tendrement aimé Jacob et qui continue à tenir le magasin familial de photographie. Entre deux prises de vue (il y a en aura quatre au total et qui fonctionnent comme autant de flashs de mémoire), Mère Hollunder se raconte, ou réconforte sa fille prostrée dans son chagrin d’amour, quelque part en haut de l’escalier en colimaçon qui surplombe le plateau.

A travers son récit, c’est tout un monde disparu qui ressurgit ; celui des petites gens, perdus dans une bourgade indéfinie des années 50. Mais c’est moins de nostalgie dont traite « vie et mort de Mère Hollunder » que de la persistance des violences faites aux femmes. Jacques Hadjaje, travesti en cette rocailleuse mama, qui a la « baffe facile », finit par ôter ses oripeaux de circonstance pour dénoncer combien il est dur d’être femme.

Le propos est grave mais le texte est infiniment drôle. Le verbe est haut, populaire, cru. Le contraste entre ces deux registres est jubilatoire et atteint son paroxysme quand Mère Hollunder commente à sa manière « la Norma » dont le transistor laisse entendre le Casta Diva. La truculence du texte est toujours pondérée par un comédien qui sait jouer des silences, de l’émotion et de la pudeur aussi. La voix est chaude, tantôt tonitruante, tantôt extraordinairement assourdie. La petite salle Roland Topor, juste agrémentée de quelques accessoires (la volée d’escalier, une coiffeuse de loge, une armoire-cercueil, deux chaises pliantes et quelques gallinacées empaillées), plongée dans une semi-pénombre crée l’intimité propice à recueillir les confidences et les coups de gueule de Mère Hollunder.

 

Jacques Hadjaje est un splendide conteur, tant par l’écrit que par l’interprétation. Par son talent et avec la complicité de Jean Bellorini, il dresse Mère Hollunder au rang d’archétype.

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