Discours de la servitude volontaire
Discours de la servitude volontaire

« Discours de la servitude volontaire » de la compagnie L’Écho du Soleil (84) vu le vendredi 29 avril 2022 à la Fabrik Théâtre à Avignon (84), en séance scolaire à 9h30

 

Auteur : Étienne de la Boétie

Mise en scène : Christine Eckenschwiller

Avec : Yves Sauton

Genre : Théâtre

Durée : 1h00

 

Une séance devant trois classes d’élèves (1ère, Tle générale, et BTS sciences numériques 2ème année) m’avait semblé une bonne opportunité pour découvrir ce spectacle créé avant la pandémie et qui traite d’un sujet particulièrement d’actualité. Comment des peuples entiers peuvent ils accepter de se soumettre à des tyrans ? Je connaissais ce texte de loin, mais j’ai pu y redécouvrir toute sa clarté, sa modernité… et sa capacité à faire réagir. Le court débat qui a eu lieu après la représentation m’a apporté une expérience post théâtrale très surprenante !

 

Sur scène, Yves Sauton, un peu avachi genre « djeune » dans un fauteuil club, nous fait un petit rappel historique sur ce texte écrit en 1550 par un jeune homme de 19 ans, Étienne de la Boétie et qui s’interroge sur notre rapport à la soumission. Un sujet d’actualité.

Le texte original a été choisi pour ancrer le public dans un langage très littéraire, forcément aussi un peu daté, et qui peut parfois être difficile d’accès. Yves Sauton, le porte pourtant très bien en bouche et c’est lui-même qui a souhaité garder le texte original pour porter l’empreinte de la force de la littérature. Il demande certes une attention soutenue mais offre des parallèles criants avec notre époque, malgré les plus de 400 ans qui nous séparent.

« Faire le choix de la victoire de la liberté sur la domination », « Un tyran n’a de puissance que celle que le peuple veut bien lui donner » ou « Pour être libre, soyez résolus à ne plus servir ». Autant de phrases qui claquent et qui interrogent ce public attentif à ce qu’on lui raconte. Faire le choix entre la liberté et la soumission, s’interroger sur la légitimité de tout pouvoir sur la population, ce sont des questions qui concernent tout le monde, jeunes et vieux.

Le texte dense et percutant est ponctué de quelques pauses pour offrir des respirations bienvenues ; clin d’œil au dictateur Chaplin et à son globe volant, effigie de trois dictateurs emblématiques « éclairés », quelques notes des Beatles, interaction auprès du public...

Le texte est d’une actualité brûlante, on y évoque les amitiés, le choix de la liberté, les peurs qui nous gouvernent, les complots des tyrans et termine sur cette question : « Comment se fait-il que les hommes continuent à soutenir des tyrans ? »  Bonne question.

Écrit aujourd’hui, La Boétie aurait probablement été traité de complotiste.

Dès la fin du spectacle et sans transition, le comédien propose un échange avec les élèves, et le débat commence sur les chapeaux de roue, sur la laïcité qui impose des choix vestimentaires contraires à la liberté des élèves. Et oui, le voile...

Le comédien tente de répondre, mais botte rapidement en touche auprès du corps enseignant. L’un des professeurs est sollicité par les élèves, il se présente comme le référent laïcité au sein des établissements scolaires et nous fait un rappel à la loi, précisant qu’il n’y a aucune relation entre laïcité et religion. Fin des échanges….

J’ai été très surpris de cette conclusion prématurée, puis en discutant avec l’équipe du théâtre, j’apprends que cette personne a rappelé aux trois jeunes femmes voilées qui faisaient partie du groupe, qu’il s’agissait d’une sortie scolaire et que par conséquent le règlement s’appliquait, mais qu’elles pouvaient « choisir de le respecter ou de ne pas le faire et de l'em***** (!) ».  Une explication un peu emmêlée que m’a éructé ce fameux référent laïcité, quand j’ai tenté d’échanger avec lui… J’ai été extrêmement choqué qu’un « référent laïcité » manque tant de self-control et se mette à me hurler dessus au motif que je m’interrogeais sur l’idée d’une laïcité intégriste qu’il me semblait défendre.

Une occasion manquée en tout cas pour discuter avec ces jeunes à qui l’on envoie pour toute réponse la notion d’égalité comme s’ils n’avaient pas conscience qu’elle était très relative.

 

Eric Jalabert

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