broutille-Dracula.jpg

Spectacle de "Broutille et Compagnie" (Lyon), vu le le 13 Février 2013 à 20h30 au Carré Rondelet (Montpellier). D’après le célèbre roman de Bram Stoker (1897).

 

Lecture, découpage et adaptation du texte : Nicolas Guépin

Mise en scène, scénographie, images : Nicolas Guépin

Jeu : Eline de Lorenzi, Mathieu Rousset et Nicolas Guépin

Son : Mathieu Rousset

Images et éclairage  : Nicolas Guépin et collectif

Costumes, maquillages : Eline de Lorenzi

 

A partir de 12 ans

Durée : 1h30                   

Création 2012


VIVANT2-toiles-3

"Dracula" est un roman épistolaire de 600 pages, composé d'extraits de journaux intimes, lettres et coupures de presse. Nicolas Guépin a choisi de respecter ce style narratif et en a réalisé un découpage qui suit exactement la trame de l'histoire.

 

Je ressens ce soir-là un choc en entrant dans la salle du Carré Rondelet, plongée dans une semi-obscurité. Tout est noir et blanc, même les acteurs qui nous attendent immobiles. Nicolas Guépin nous accueille, énigmatique. Nous sommes hélas peu nombreux...

La scénographie est très originale, à la fois visuelle et métaphorique. Installé à une table devant nous, côté jardin, Nicolas Guépin est le récitant. Tout en parlant, il pianote sur son ordinateur (invisible pour nous) qui projette les phrases dites ou des cartes géographiques sur un écran en fond de scène. En bas de cet écran, un bandeau noir servira de petit théâtre d'effigies. Une lanterne magique, d'époque, permet au récitant de produire un théâtre d'ombres dans lequel les silhouettes des acteurs se découpent sur un grand cadre de papier blanc, côté cour. Le décor intègre d'autres éléments naturalistes en référence à la technologie de l'époque, très présente dans le roman. Ainsi Eline de Lorenzi pianote sur une antique machine à écrire pendant le récit de sa correspondance, et le petit mobilier de scène a été récolté dans des vide-greniers.

En contrepoint de la lecture faite par le récitant, les comédiens muets jouent en pantomimes sur le plateau ou en ombres portées sur le cadre blanc avec une gestuelle épurée très esthétique. Eline de Lorenzi et Mathieu Rousset interprètent 7 personnages, tous vêtus de noir et blanc, le visage blanchi et les yeux charbonnés. L'austérité des costumes et des maquillages accentue l'étrangeté du récit. Dracula, lui, n'apparaît jamais qu'en silhouette d'ombre : expressionniste et menaçante. Une très belle musique suggestive, quelques bruitages et d'intéressants jeux d'ombres et de lumières s'ajoutent à l'intensité dramatique de l'atmosphère.

 

L'histoire se déroule à la fin du XIXè s en Angleterre et en Transsylvanie. Jonathan Harker (M. Rousset), jeune clerc de notaire anglais, part en Transsylvanie négocier la vente d’une maison londonienne auprès du Comte Dracula. Son séjour dans le château de Dracula est chaque jour plus terrifiant. Après avoir séquestré le jeune homme, Dracula embarque sur un bateau pour l'Angleterre : une goutte de sang rouge vif suit sa progression sur une carte projetée sur l'écran. Les marins mystérieusement terrorisés sautent à la mer, et l'arrivée de Dracula à Londres s'accompagne d'une série de tragédies. Une aliénée au visage halluciné (E. de Lorenzi, en effigie au bas de l'écran) mourra après avoir essayé de lancer l'alerte. Une jeune fille (E. de Lorenzi) anémiée par d'étranges blessures au cou, mourra aussi malgré les efforts de deux médecins (M.Rousset) et deviendra vampire. Jonathan, à moitié fou, arrive à rejoindre Londres mais Dracula séduit sa fiancée Mina (E. de Lorenzi). C'est alors que Jonathan, Mina et leurs amis traquent le vampire en fuite jusque dans son pays et réussissent à lui transpercer le coeur d'un pieu. Mina et Jonathan peuvent vivre en paix.

 

Tout fonctionne pour créer une ambiance de suspense : l'ombre furtive de Dracula est terrifiante ; le blanc, le noir et les touches rouge sang sont les seules couleurs. Récit, images, pantomimes, ombres et musiques s'accompagnent, se succèdent ou se croisent sans jamais nuire à la cohérence ni à la clarté de l'intrigue. Mis à part une petite longueur dans la scène sur le bateau qui transporte Dracula, l'attention est toujours soutenue. La sobriété de ton du récitant, la gestuelle, les éclairages, la musique, les costumes et les maquillages... tout concourt à recréer la magie de ce roman fantastique, sans jamais céder à la facilité des interprétations romanesques.

 

J'ai apprécié ce spectacle pour sa beauté, sa rigueur et sa force dramatique. Le texte original et sa valorisation scénographique nous montrent combien Bram Stoker était en prise sur son siècle, avec la place aux progrès technologiques (presse écrite, machine à écrire), médicaux (hypnose, transfusion) et la traduction de l'angoisse cristallisée autour de Jack l'éventreur. Ce Dracula pourra plaire à tous les publics à partir de 12 ans. Avant, il peut faire peur...

 

Retour à l'accueil